jeudi 24 septembre 2015

Amélie Labourdette - Empire of dust

«De manière récurrente, j'interroge, à travers mon travail photographique, ce qui dans le paysage est à priori invisible, un paysage situé en dessous du paysage visible, qui n'est pas donné dans un premier regard. Le paysage nous renvoie à quelque chose de la mémoire collective et individuelle. Il est reflet de l'histoire, d'une époque, ainsi que de notre imaginaire. Je construis et je réalise mes projets photographiques sur la base d'un état de choses existantes et en étroite relation avec l'idée du territoire car c'est du paysage et de cette «archéologie du présent», dont je souhaite parler avant tout.» (Amélie Labourdette)

Empire of dust est une série de photographies réalisées au sud de l'Italie où les crises et détournements financiers ont fait de l'inachèvement une esthétique architecturale. «Il s'agit pour [Amélie Labourdette] de trouver le juste point de conjonction entre une approche de distanciation réflexive et l'expérience de «l'indétermination», de ce qui se dérobe à nous.»

L'esthétique est particulièrement travaillée bien que non maniériste, l'artiste «ne succombe pas à la fascination fétichiste que les bâtiments exercent généralement sur les architectes et les photographes d'architecture. [Elle] cadre [ses] images de manière à ce que les constructions inachevées fassent partie du paysage sans le dominer. Partout, le sol et le vide sont présents, signifiants, à la fois.»

L'architecture qui pourrait être le sujet photographique constitue un élément de territoire. Amélie Labourdette déjoue la temporalité de la prise de vue. L'instant de captation s'étire jusqu'à devenir une période éthérée créant un sentiment d'irréalité; dans un statisme absolu, la lumière opaque, dense, et l'absence d'ombres réalisent un glissement de la stratification temporelle du paysage qui contient préludes du passé, indices du présent, et stigmates du futur.

Tout élément qui pourrait paraître narratif — comme une figure humaine — est éludé; toute personnalisation anecdotique est supprimée afin de conserver cette ambiguë universalité. Ces photographies affirment une réalité présente et non immédiate au premier regard, dans un entre-deux au revers de l'évidence et néanmoins manifeste.

La pratique d'Amélie Labourdette manie tant le protocole artistique — inspirée par la photographie objective allemande — que la subjectivité plastique — influencée par la peinture romantique. Le medium photographique sert les regards que l'artiste porte sur le monde, elle déploie les possibilités pratiques de cette technique sans enfermer ses productions dans la performance technologique.

Amélie Labourdette interroge les valeurs documentaire, fictionnelle et esthétique induites par ses photographies. Ses créations jouent du trouble entre la réalité du lieu photographié et le réel construit par sa prise de vue. Nous voyons ce qui a été capturé. «Il est étrange de voir comment la réalité n'est pas tout à fait ce qu'elle figure être...»

Amélie Labourdette
Empire of dust
11 sept.-11 oct. 2015
Nantes. Galerie RDV

Julien Dubuisson, Ibai Hernandorena - L'Après-midi

L'Après-midi vise à restituer et à confronter les expériences individuelles aussi bien que collectives de quatre artistes résidant à la Villa Arson, dans le cadre du programme de troisième cycle «5/7 Pratique | Production | Exposition». Mathieu Mercier, artiste et commissaire invité, met en lumière la singularité de chacun tout en tirant les fils qui les ont rapprochés le long de leur aventure commune durant deux années. Chacun des artistes entretient un rapport particulier à l'histoire, qu'il soit généalogique, culturel ou fictionnel. C'est ainsi que leurs œuvres rejouent souvent des épisodes de la modernité dans le contexte contemporain.

Julien Dubuisson, né en 1978, développe une approche sculpturale qui questionne les conditions d'apparition des formes et les systèmes de pensée qui les précèdent. Ses créations adoptent des morphologies parfois difficiles à appréhender, en cela elles s'extirpent de toute interprétation s'appuyant sur d'éventuels prérequis. Ibai Hernandorena, né en 1975, conçoit des sculptures parfois imposantes, mais toujours sujettes à une forme de fragilité, ce qui lui permet entre autres d'interroger les utopies modernistes qui érigent et solidifient les époques, alors qu'elles ont fini par s'effondrer. Née en 1977, Lidwine Prolonge développe un travail oscillant entre performances, événements et archives, en s'appuyant sur des fictions qui altèrent notre conception du temps et de l'histoire, puis du réel. Enfin, Jean-Charles de Ouillacq, né en 1979, s'interroge sur le statut de l'image et sur ses intrications avec les apparences. Ici aussi, la réalité semble constamment devoir être réinterrogée, au risque d'être déjouée.

Chacun des artistes déploie un rapport singulier à l'égard d'une histoire qui se délite, car elle s'inscrit dans une forme de doute ou de remise en cause. Chacun d'eux s'intéresse explicitement à l'époque de la modernité car elle représente l'Histoire et un réservoir d'histoires pour eux qui, ayant grandi dans l'ère du post-moderne et de ses séquelles, forment la génération d'après.

Aussi le terme Après-midi renvoie-t-il à la lancinance souvent heureuse et parfois mélancolique d'un moment intermédiaire, là où le jour est déjà bien entamé et où pointe la perspective d'une fin prochaine. En plus de souhaiter situer géographiquement leur travail dans ce midi de la France auquel appartient la ville de Nice, les artistes aspirent en effet à s'inscrire temporellement dans l'après que constitue le troisième cycle de la Villa Arson, représentatif pour leurs études et leur carrière.

C'est ainsi qu'ils ont participé durant deux ans à un programme de recherche et de production crée en 2013 et intitulé 5/7. Pascal Pinaud et Joseph Mouton, respectivement artiste et poète, tous deux professeurs à la Villa Arson, codirigent le projet. Durant leur longue résidence, ils ont pu profiter des infrastructures de l'école et du centre d'art comme de l'expertise des intervenants invités ad hoc. Mathieu Mercier a accompagné ces quatre artistes et conçu avec eux une exposition qui, respectant avant tout chaque individualité artistique, montre aussi le terrain commun de leur confrontation.

Julien Dubuisson, Ibai Hernandorena
L'Après-midi
04 oct.-28 déc. 2015
Nice. Villa Arson

Christophe et Marie Berdaguer & Péjus - Centrale spirale

Christophe Berdaguer (né en 1968) et Marie Péjus (née en 1969) réalisent depuis les années 90 une œuvre plastique qui explore les rapports psychologiques et physiques entre l'être humain, l'architecture et l'environnement. Utilisant des médiums variés (vidéo, installation, sculpture), ils proposent une relecture du monde dans sa relation à l'homme au filtre de savoirs scientifiques comme la psychiatrie, la chimie ou la sociologie.

Récemment exposés au Palais de Tokyo, lauréats du Prix de la fondation Ricard, ils présentent cet automne à La Maréchalerie une exposition inédite et immersive intitulée «Centrale spirale». Neutralisant l'architecture prégnante du lieu, l'espace d'exposition du centre d'art est également rendu hermétique à la lumière du jour et coupe ainsi les visiteurs de la réalité extérieure.

Composée d'un dialogue entre trois œuvres, «Centrale spirale» fait expérimenter aux visiteurs différentes temporalités qui s'entrecroisent, dialoguent et/ou s'affrontent, à travers le spectre de la lumière.

Dans l'espace principal, l'installation monumentale 40 soleils immerge le visiteur d'une lumière intense et démultipliée. 40 tubes fluorescents suspendus tournent lentement sur eux-mêmes, déstabilisant le corps du visiteur dans sa déambulation. Ces «soleils» génèrent de manière artificielle le spectre lumineux journalier et donnent à voir une lumière figée, et un temps gelé que seul leur lente rotation vient perturber.

En écho, Berdaguer & Péjus présentent l'œuvre vidéo Timezone (2010). Elle met en scène un homme marchant en cercle dans un sable gris. Montée à l'envers, la vidéo hypnotise et donne à voir l'impossible, le sable petit à petit se contraste et se sépare en deux tas distincts, un noir et un blanc. A travers ce personnage devenu horloge humaine, les artistes remontent le temps.

Seule source lumineuse de l'espace, Timezone éclaire un empilement de capsules qui tournent également sur elles-mêmes. Cette maquette totalement opaque, sans ouverture sur l'extérieur est inspirée des expériences constructives d'architecture rotative. Telle une machine célibataire, fermée sur elle-même, une architecture négative, elle répond à l'installation 40 soleils et fait écho à une architecture du futur inspirée du bunker et des métabolistes japonais (mouvement architecturale des années 60 qui imaginait la ville du future flexible, extensible et organique).

L'architecture virtuelle créée par la lumière d'une part est paradoxalement dans cette œuvre ici solidifiée au sein de la maquette en créant un dispositif de protection et d'opacité maximale, une matrice permettant au corps de se protéger de la lumière.

Avec l'exposition «Centrale spirale», Berdaguer & Péjus entraînent les visiteurs au sein d'une spirale temporelle et spatiale où l'énergie, le mouvement et le temps sont désynchronisés, tout comme les échelles et la spatialité. Le premier espace propose de pénétrer une architecture en mouvement et en lumière, le second présente une maquette d'une architecture totalement opaque, matérialisation miniature de l'espace que l'on vient de traverser. Le spectateur devient ainsi un élément de ce dispositif voire un engrenage, un connecteur synaptique participant à ces flux d'intensité et de cette machine désirante, fragmentée, décomposée.

Christophe et Marie Berdaguer & Péjus
Centrale spirale
03 oct.-13 déc. 2015
Versailles. La Maréchalerie

lundi 21 septembre 2015

Karen Swami Céramiques - Jusqu'au 3 octobre 2015 Galerie Minsky

Après le Salon Révélations, la Galerie Minsky présente jusqu'au 3 octobre les céramiques de l’artiste française Karen Swami. Terres enfumées, Kintsugi, Biscuits de porcelaine, Grès émaillés, Faïences... les oeuvres de Karen Swami nous plongent dans la contemplation. Leurs formes épurées, tout en élégance, qui subliment la matière, invitent notre regard dans un voyage intemporel et universel passant de la modernité au passé lointain de l'artisanat antique.

Parallèlement à son activité dans la production de longs métrages, Karen Monluc est Karen Swami, lorsqu’elle est céramiste. Initiée par Christa de Copet à l’Atelier de la Terre d’Argile, puis formée au tournage par Thierry Fouquet, Karen se passionne pour la céramique depuis toujours. Se concentrant à la fois sur la forme et la matière, elle recherche avant tout la pureté de la ligne et les maîtres asiatiques la fascinent. Connaissant les céramiques du Musée Guimet presque par coeur, l'artiste ne cesse d’en revisiter les formes et d’en découvrir les mystères.

Galerie Minsky
37, rue Vaneau - 75007 Paris
Ouverture du mardi au samedi : de 10 h 30 à 13 h et de 14 h à 19 h.
http://www.leonor-fini.com
http://www.galerieminsky.com

vendredi 18 septembre 2015

Antoine Wagner - Cadences

Tout le travail d'Antoine Wagner (arrière-arrière-petit-fils de Richard Wagner) depuis une dizaine d'années pourrait se lire comme une suite d'explorations du geste musical. Ses projets, tels que Lisz[:T:]rau ou Wagner: Common Denominator, sont marqués par cette envie de se confronter de façon formelle à la fabrication de la musique.
Avec l'exposition «Cadences» à La Filature, il propose aujourd'hui d'aller beaucoup plus loin dans sa démarche: il présente des œuvres dans lesquelles il épouse les jeux de courbes et de lignes de partitions de musique classique en s'attachant à retrouver l'essence du compositeur. En parallèle, il montre des photographies de paysages dans lesquels il s'est attaché à retrouver les mouvements de plusieurs partitions qui font partie de son imaginaire depuis l'enfance. Cet ensemble cohérent se distingue par cette même recherche de la sensualité du geste créateur et son inscription dans une réalité, celle de la nature.

«À bien des égards, le travail d'Antoine Wagner pourrait se lire comme celui d'un compositeur qui verrait le monde à travers une portée de notes. En réalité, le jeune photographe, vidéaste et installateur, va chercher dans le monde la musique de cette partition imaginaire — ou pas tout à fait — qui est au cœur de tout son processus de création.

Sa fascination pour le geste musical est une des données centrales de son travail. L'un de ses premiers projets, Lisz[:T:]rau, est né de cette volonté de recréer un moment éphémère dans le parcours artistique du compositeur, mais surtout de retrouver son rapport à l'instrument.
Cette généalogie de la sensation l'a conduit de Raiding à Luxembourg, et de Luxembourg à Bayreuth. Antoine Wagner filme alors simultanément trois pianos, marquant trois temps de la vie de Franz Liszt, sa genèse d'artiste, l'apogée de sa carrière et sa mort. Pour la première fois depuis près de cent cinquante ans, la pièce créée pour trois instruments, dont nombre de feuilles ont mystérieusement disparu, est rejouée.
La détermination d'Antoine Wagner a eu raison des réticences des conservateurs qui acceptent tous de prêter ces trois instruments, pièces de musée, mais surtout des contraintes techniques. Des procédés de pointe sont alors utilisés, permettant de transmettre son et image au millième de seconde, pour ne pas entraver l'élan des trois pianistes qui jouent en regard. Encore une fois le respect pour la main du musicien…

Cette magie du médium habite d'ailleurs la plupart des réalisations de Wagner, qui paradoxalement délaisse volontiers la pellicule pour le film, ou inversement. Le goût pour la matière contribue peut-être justement à ce désir d'explorer également les possibilités de l'interaction de la photographie ou du film avec des lieux choisis. Lorsqu'il expose devant Bayreuth des caissons lumineux avec ses images des paysages suisses où Richard Wagner a composé le Ring, il manifeste clairement une envie de prolonger l'échange entre le papier glacé et la musique. Cette fois-ci, le papier glacé invite la musique, alors que c'était justement elle qui l'avait guidé dans les cimes alpines.

L'attrait pour le moment de création a sans doute participé de la genèse du projet Wagner : Common Denominator, tout comme l'appétence pour documenter, et donc transmettre. Or, l'ensemble des photographies relève ici moins le besoin de raconter l'exil de Richard Wagner ou l'enchantement devant des paysages extrêmes, que la façon dont Antoine Wagner a livré sa sensibilité en se plongeant physiquement et artistiquement dans cette musique. Le jeune homme offre l'impression d'être allé chercher dans le paysage sa propre émotion musicale, ou plutôt d'interpréter en images le trouble dont Parsifal ou Tristan et Isolde l'enveloppent.

Ce don qui consiste à traduire une idée, tant de la note au tableau que d'une langue à une autre, lui a d'ailleurs permis d'adopter très tôt le costume de spectateur privilégié. Son inclinaison pour suivre le tâtonnement et le questionnement du créateur naît sans doute lorsqu'il est choisi par Michael Haneke pour être son interprète en anglais sur le tournage américain de Funny Games. Très discrètement, Antoine Wagner fait de même en se glissant dans la caravane de Phoenix pendant plus d'un an. Le documentaire présenté à DocLisboa, avant d'être diffusé par Arte, rend sans doute moins compte des synergies du groupe dans ses studios d'enregistrement que du pouvoir de la scène sur chacun des musiciens, sur les musiciens ensemble et sur la musique elle-même. Il serait tentant de voir le film comme une interrogation de l'auteur sur la transformation de la musique ou sa théâtralité, dès lors qu'elle est présentée dans un espace scénique.

Le jeune artiste se nourrit continuellement de cet échange avec le praticien de la musique. La cinquantaine de clips qu'il a signés sont autant d'actualisations de cette question du magnétisme du son sur ses images. L'expérience de ce dialogue lui permet d'avancer pas à pas dans sa démarche, une démarche dont la cohérence est surprenante. Antoine doit certainement son aisance à faire son miel de chacun de ces projets à sa façon bien à lui de les traiter selon une esthétique commune, une faculté qu'il doit sans doute à son passage chez Bob Wilson.
À l'âge de vingt-trois ans, Antoine Wagner a en effet poussé les portes du prestigieux Watermill Center en prétextant vouloir sculpter un monde avec la lumière. S'il apprend à en maîtriser parfaitement les effets et les ambiguïtés, il acquiert plus que tout la conviction que mettre en scène la musique peut prendre mille formes [...]»

Carole Blumenfeld

Antoine Wagner
Cadences
12 sept.-25 oct. 2015
Mulhouse. La Filature

Ghyslain Bertholon, AJ Dirtystein - Cannibalisme, Animalisme

Depuis le Néolithique, la domestication des plantes et des animaux a joué un rôle fondateur dans l'évolution de l'humain. Apprivoisé, dompté, contrôlé, le règne animalier a servi autant les intérêts économiques que l'individualisme de l'homme, qui alors se sédentarise, et s'installe comme maître et possesseur de la nature.

Parce que la façon avec laquelle on traite les animaux n'est pas sans rapport avec celle avec laquelle on traite l'Autre, le monde occidental a opéré une séparation entre les hommes. En maintenant l'idée d'une dualité indépassable, c'est finalement l'humain qui s'est dressé lui-même. Que l'Humanisme ait été une manière de le sortir de sa condition sauvage semble, au fond, avoir produit les effets inverses: les stratégies d'élévation ont conduit à des pratiques d'élevage, et ont placé l'homme au centre de tendances qui le bestialisent et l'apprivoisent; qui le cannibalisent.


C'est pourquoi il est temps de revenir sur le concept d'animalité, et sur ce qui, en lui, résiste à la bêtise humaine. Car si le mot bêtise se réfère à l'animal, seul l'homme peut être bête ou faire preuve de bestialité. Le moment serait donc venu de considérer la fin des humanismes et d'envisager l'opérabilité d'un animalisme.


Or n'est-ce pas à l'intérieur des espaces domestiques, là où le foyer et l'intime prennent la forme d'une éducation au quotidien, que doivent s'expérimenter les conditions d'une «dé-domestication»?

Dans les couloirs d'un appartement bourgeois, à l'ambiance feutrée et aux murs de velours, les œuvres côtoient le mobilier de même que les instruments d'un cabinet médical. De cette atmosphère proche de la chambre de merveilles, l'exposition «Cannibalisme <> Animalisme» initie un retour à la pensée sauvage. Elle ne se propose pas d'ajouter une contribution à celles, nombreuses, visant à comprendre ou à déplacer le clivage homme/animal. Elle veut, au contraire, tracer les lignes d'un animalisme, retrouver la continuité par laquelle peut émerger un acte de résistance; mieux, un mouvement subversif, voire révolutionnaire.

Une proposition de Julien Verhaeghe et Marion Zilio

Ghyslain Bertholon, AJ Dirtystein
Cannibalisme, Animalisme
24 sept.-27 sept. 2015
Paris 8e. Galerie Anne Perré

Dominique Gonzalez-Foerster - 1887 - 2058

Le Centre Pompidou consacre à l'œuvre de Dominique Gonzalez-Foerster une exposition à caractère prospectif et rétrospectif qui met en correspondance une trentaine d'œuvres dans un labyrinthe d'environnements, de chambres et de passages, et investit plusieurs espaces du Centre Pompidou.

«Dominique Gonzalez-Foerster, 1887-2058» déploie dans l'espace une «timeline» ouverte, qui s'étire entre 1887 et 2058, et étend l'idée de rétrospective en conjuguant plusieurs siècles et climats. L'exposition trouve son origine à la fin du 19ème siècle, traverse les expériences du 20ème siècle et projette le spectateur dans des paysages et des intérieurs, tour à tour tropicaux et désertiques, biographiques et dystopiques.

Cet ensemble de réalités parallèles et d'espaces scéniques — où coexistent les genres du paysage, du portrait et des chambres d'époque — devient une demeure fictionnelle aux multiples entrées, construite pour expérimenter les sensations d'intérieur et d'extérieur, d'absence et de présence, les notions d'identité et de fiction, le moment présent et le voyage dans le temps.

Parfois scènes, terrains de jeu ou récits introspectifs, les chambres, les films et les apparitions de Dominique Gonzalez-Foerster s'élaborent à partir d'une mémoire vivante du cinéma, de la littérature et des structures ouvertes de l'architecture et de la musique comme autant de manières d'explorer les limites et les possibles du champ artistique.

A la manière d'un opéra ou d'une comédie musicale, l'exposition fait apparaître toutes sortes de présences cinématographiques, littéraires et scientifiques qui en font un monde hétérogène et multiple habité de sensations, de récits et de citations. Cette exposition constitue à la fois une identification de l'artiste, de l'œuvre et du spectateur.

Cette monographie consacrée à l'œuvre de Dominique Gonzalez-Foerster, artiste majeure de la scène internationale contemporaine dont le commissariat est confié à Emma Lavigne, directrice du Centre Pompidou-Metz, s'inscrit dans la série des rétrospectives consacrées aux figures de l'art actuel (Philippe Parreno, Gabriel Orozco, Pierre Huyghe...). D'une ampleur sans précédent, elle est une étape essentielle pour la présentation de l'œuvre de Dominique Gonzalez-Foerster, après l'exposition monographique présentée en 2007 au Musée d'art moderne de la Ville de Paris, ses expositions personnelles à la Tate Modern en 2008 ainsi qu'au Palacio de Cristal à Madrid, dont l'organisation était assurée par le Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, en 2014, et le cycle d'apparitions programmé durant la semaine d'ouverture de la Fondation Louis Vuitton en 2014.

Dominique Gonzalez-Foerster
1887 - 2058
23 sept.-01 fév. 2016
Paris 4e. Centre Pompidou

jeudi 17 septembre 2015

Le Havre en noir et blanc - Bernard Plossu

Le MuMa - Musée d'art moderne André Malraux du Havre présente à partir du 10 octobre 2015 une exposition du photographe français Bernard Plossu. Riche de 104 clichés, Le Havre en noir et blanc est une promenade sentimentale au cœur de cette ville bombardée puis reconstruite par Auguste Perret à partir de 1945, classée au Patrimoine Mondial de l'Humanité par l'Unesco depuis 2005.

« Revoilà l'arrivée en gare du Havre, à nouveau. Je ne sais pas pourquoi, mais chaque fois que j'arrive, ça me saute aux yeux que ça me plaît ! Un coup d'air qui balaye le temps, une ambiance dès qu'on roule sur l'avenue qui longe vers la mer, les gros bateaux qu'on aperçoit, l'architecture si originale ? Mais surtout, surtout, la lumière ! Cette lumière du vent qui chasse les nuages gris, qui amène des averses de pluie torrentielles d'un coup, puis qui fait ressortir un soleil éclatant, en fait, cette lumière changeante d'une grande poésie. »

Artiste voyageur, Bernard Plossu aime le mouvement. Equipé d’un matériel très léger, il photographie dans le train, en voiture, à pied. Son 50 mm, objectif qui se rapproche le plus de l’œil humain, annule tout effet ou déformation et confère aux clichés un caractère « vrai », presque « banal ». Plossu photographie les bâtiments du Havre pour ce qu’ils sont, sans idéalisation ni construction ; les fils électriques, panneaux de signalisation, enseignes et feux tricolores ont donc toute leur place aux côtés de la tour de l’église Saint-Joseph ou de l’hôtel de ville.

« Moi, le photographe au 50 mm en argentique, ce que j’essaye de comprendre et de partager, c’est le mélange de tout ça, l’architecture de Perret, l’arrivée des porte-containers géants, la vue depuis les fenêtres immenses du musée Malraux, et surtout, le bruit des galets quand les vagues les roulent : s’arrêter et les écouter ; il fait bon vivre… »

Peu de nostalgie dans les photographies de Plossu mais des lignes de force et des ombres marquées qui soulignent magistralement l’architecture de Perret. Les 104 photographies présentées au MuMa sont un éclatant témoignage d’affection du photographe pour la ville du Havre.

Bernard Plossu 
Le Havre en noir et blanc
10 octobre 2015 – 28 février 2016
MuMa – Musée d’art moderne André Malraux – Le Havre

vendredi 11 septembre 2015

René Groebli - Early Works

Cette exposition présente deux séries emblématiques des premiers travaux du photographe suisse René Groebli, né en 1927: «Magie der Schiene» et «Das Auge der Liebe».

Magie der Schiene (la magie du rail) est le premier livre de René Groebli, publié à compte d'auteur en 1949. René Groebli est alors âgé de 22 ans, il commence sa carrière de photographe, voyage régulièrement hors de Suisse et prend le prétexte d'un trajet à bord de l'express Paris-Bâle pour réaliser ce travail personnel.

Dans un style extrêmement audacieux, où l'on perçoit l'influence de la nouvelle objectivité et du Bauhaus et de l'école de Design de Zurich, René Groebli crée une série profondément personnelle. Traversant la banlieue parisienne et la campagne française de l'après-guerre, René Groebli passe de la cabine du conducteur à l'intimité d'un wagon, fixe l'entrée des tunnels ou le tracés des lignes électriques dans le mouvement, photographie le travail des cheminots et les locomotives lancées à toute vapeur.

Par le jeu du grain, du flou et du contraste, et une exploration méthodique de son sujet, René Groebli parvient à restituer la vitesse et le bruit du train, la dureté du métal et l'odeur du charbon, livrant une œuvre expérimentale et radicale autour d'un sujet unique.

De cette recherche esthétique formelle et rigoureuse naît un livre rare, sélection de 14 photographies accompagnée d'un poème d'Albert Ehrismann, un exercice de style exceptionnel pour l'époque qui fait immédiatement entrer son auteur dans la cour des grands. Edité en allemand et en anglais à 1000 exemplaires, encore récemment célébré par Martin Parr dans son Photobook et toujours recherché par les collectionneurs, Magie der Schiene a marqué l'histoire de la photographie.

Dans une approche radicalement différente, qui illustre la liberté de style que le photographe exercera tout au long de sa carrière, Das Auge der Liebe (L'Œil de l'amour) retrace le voyage de noces de René Groebli et de sa femme, Rita, au début des années 50. Le couple s'était marié en 1951, mais le manque d'argent et de temps avait retardé leur voyage de noces. Trois ans plus tard, ils partent enfin célébrer leur amour à Paris et séjournent à Montparnasse dans un hôtel modeste.

Le photographe prendra plus de 300 clichés, au Rolleiflex et au Leica. Le livre, publié en 1954, n'en retient que 25, sélection précise effectuée par René et Rita. Dans un noir et blanc doux et délicat, le photographe réinvente le nu et dévoile les jambes, les seins, le corps de son épouse mais aussi son visage, ses mains et le décor de l'histoire. Dans cette chambre d'hôtel modeste de la France de l'après-guerre : rideaux en dentelle à angelots, lits de fer et papiers peints à fleurs, où s'épanouissent pourtant leurs amours débutantes.

Cette vision sensuelle de l'amour conjugal sera qualifiée à l'époque de pornographie par le journal local zurichois. Pour nous, c'est un poème érotique et sensible: le photographe nous fait entrer dans la chambre à coucher et cette intimité offerte à l'objectif est le plus beau témoignage de son amour.

Cette exposition présente une sélection exceptionnelle de tirages vintage ainsi qu'une édition récente des photographies de ces deux séries, mises à l'honneur par la publication du livre René Groebli, Early Works par les éditions Sturm & Drang.

René Groebli
Early Works
15 sept.-23 oct. 2015
Paris 15e. Galerie Esther Woerdehoff

jeudi 10 septembre 2015

Korea now ! Design, craft, mode et graphisme en Corée

Le musée des arts décoratifs met à l'honneur le design et l'artisanat coréens dans le cadre de l'année France-Corée 2015-2016. Une centaine d'artistes et plus de quatre cents œuvres sont réunies afin de présenter tant l'héritage des techniques anciennes que le renouveau technologique. Les créateurs manient aussi bien la laque, le tissage et l'orfèvrerie que le plastique et la silicone.

La nef du musée est essentiellement dédiée au mobilier, au verre et à la porcelaine. La céramique fait aussi l'objet d'une attention particulière dans les salles longeant les Tuileries où la jeune génération s'inspire de la tradition dans un style plus spontané, libre et épuré. La fin de ce parcours initiatique se termine avec l'évocation d'une maison coréenne Hanok conçue autour du principe du vide, sans portes et avec très peu de meubles, afin de favoriser la mesure et l'harmonie.

L'exposition présente aussi un panorama de la mode coréenne contemporaine, avec plus de cent vingt silhouettes et accessoires. Le travail des stylistes se caractérise par une variété d'inspirations tirées des cultures urbaines et des mythologies contemporaines, allant de la référence aux années 1950 américaines aux citations des mouvements Punk, Hip Hop et bien sûr K Pop. Ce projet ambitionne également de révéler les rapports étroits que les stylistes entretiennent avec leur culture d'origine, une culture riche qui permet l'assimilation de toutes les formes de modernité.

Enfin, une vingtaine d'artistes présentent un travail graphique: affiches sérigraphiées, livres et magazines. Ce volet s'ouvre sur un espace dédié à Ahn Sang-Soo, reconnu comme le père de la discipline. Créateur influent auprès des artistes émergents, il est le premier à avoir fait de l'alphabet hangul son sujet principal. Inspiré par la poésie du mouvement Dada et par le poète moderniste Yi Sang, AHN Sang-soo s'est affranchi des règles normatives de la typographie, en jouant avec la géométrie et l'échelle des lettres, tout en brouillant parfois les codes de la linguistique. Le Hangul, initialement créé comme alternative au chinois au XVe siècle, alors dominant et réservé aux personnes lettrées, est aujourd'hui devenu une référence culturelle et identitaire primordiale.

Cette exposition nous informe sur l'évolution de la tradition coréenne en matière de design et sur l'émergence d'une nouvelle génération innovante durant les trois dernières décennies qui parvient à influencer la scène artistique internationale.

Informations
Musée des arts décoratifs (Paris 1er)
Du 19 septembre au 03 janvier 2015

Hee-Ju Kim, Hyong-Jun Kim
Korea now. Design, graphisme.
19 sept.-03 janv. 2016
Paris 1er. Les Arts décoratifs

mercredi 9 septembre 2015

Alex, une exposition de Pauline Bastard

Poursuivant sa trajectoire auprès des artistes émergents, le Collège des Bernardins et le commissaire Gaël Charbau s’associent aux Audi talents awards pour proposer à l’artiste Pauline Bastard de s’emparer de l’ancienne sacristie. Elle y présentera la première exposition de son projet Alex.

« Alex Todo, 114 rue Villiers de l’Isle-Adam, 75020 Paris ».

Voici une manière possible, parmi tant d’autres, d’exister dans la société ; une preuve de sa présence sur terre. C’est aussi l’une des nombreuses « traces de réalité » qu’a donné Pauline Bastard à Alex, personnage qu’elle a inventé et qu’elle tente d’introduire dans la société. En s’interrogeant sur ce qui constitue l’être, Pauline Bastard entremêle de façon poétique et facétieuse le réel et l’imaginaire, utilise l’invraisemblance qu’elle peut ressentir face à la réalité pour construire des fictions. Son travail s’articule souvent autour d’objets du quotidien récupérés, dont elle révèle le formidable potentiel onirique et les histoires virtuelles qu’ils recèlent.

Pour Alex, comme pour sa précédente pièce Les Etats de la Matière – qui présentait le démantèlement d’une maison dont tous les matériaux étaient dispersés dans la nature environnante – l’artiste documente le processus d’une situation initiale qu’elle invente. Le postulat de départ de ce nouveau projet s’inscrit dans la lignée de ses travaux : vivre une expérience sans trop savoir où cela pourra la mener… et laisser agir l’imprévu. Une autre composante de son travail est d’avoir intégré des personnes dans son dispositif de création, une manière de donner corps à ses idées. Ainsi, pour cette exposition, elle a réuni un groupe de professionnels (une anthropologue, une costumière, une philosophe, un avocat, une scénariste et une psychanalyste) pour penser les actions d’Alex, dont l’identité culturelle, sociale ou administrative se révèle au fil des situations qu’il rencontre.

L’histoire-exposition imaginée par Pauline Bastard montre, à travers une installation composée de vidéos et d’objets, le cheminement du projet, depuis les images du casting d’Alex jusqu’à son organisation à travers les réunions du groupe d’experts. Des scènes de vie sont aussi présentées, le tout formant des couches saturées d’éléments se parasitant les uns les autres, comme les souvenirs. Avec ce dispositif, l’artiste crée un jeu de complicité avec le spectateur, en jouant avec son imagination, son attente et son désir. Elle décortique ce qui constitue une identité, les relations sociales, le « vivre ensemble »… autant de thèmes qui font écho aux réflexions humanistes du Collège des Bernardins.

Alex représente son projet le plus ambitieux et le plus singulier : « Il est la question que je me pose depuis toujours. Comment se construit-on, avec et malgré cette part d’immaitrisable, d’incontrôlable que comporte la vie. A travers cette installation, je partage cette question avec tout le monde. Ce qui est en reste, c’est l’ouverture d’une zone de réflexion ».

L’exposition au Collège des Bernardins sera la première manifestation de cette expérience inédite. Un préquel d’Alex sera présenté parallèlement à la Galerie Eva Hober du 10 octobre au 14 novembre 2015.

vendredi 4 septembre 2015

LE COMTE DES NUAGES MASANAO ABE FACE AU MONT FUJI - 03 novembre 2015 - 17 janvier 2016 Atelier Martine Aublet

Météorologue japonais de renom et passionné par la capture de l'image statique ou en mouvement, le comte Masanao Abe (1891 - 1966) a consacré 50 ans de sa vie à l'étude et à la photographie des corrélations entre les nuages et les courants atmosphériques sur le mont Fuji. Fondateur, en 1927, de l'observatoire Abe de recherche sur les nuages et courants atmosphériques, au pied du mont Fuji, il a laissé un héritage sans égal pour la photographie scientifique, qui impose de lui reconnaître aujourd'hui une place à part en tant que chercheur et inventeur de nouvelles techniques de l'image, aux côtés des Frères Lumières, de l'Américain Eadward Muybridge ou encore du Français Étienne-Jules Marey.

Au-delà du caractère technique et scientifique, l'esthétique et la beauté des images du comte Abe doivent être aujourd'hui reconsidérées, à l'instar des photographies de nuages d'Alfred Stieglitz, comme une contribution à la photographie moderniste.

En partenariat avec l'Intermédiathèque de Tokyo, le musée du quai Branly met en lumière cette figure oubliée en présentant dans l'Atelier Martine Aublet une sélection d'œuvres majeures - photographies et films - mais aussi d'appareils photographiques ou de mesure de la collection du comte Masanao Abe récemment acquise par l'institution tokyoïte.

Musée du quai Branly
37, quai Branly
75007 Paris
www.quaibranly.fr

"Étoiles Filantes" - Maison Parisienne expose à l'Hôtel Plaza Athénée

Du jeudi 19 novembre au dimanche 22 novembre 2015
« Nous avons fait de l'exception notre règle. »

Grand retour à Paris et à l'Hôtel Plaza Athénée pour maison parisienne en cette fin d'année 2015 avec un hommage à la Haute Couture, positionnement du célèbre palace de l'avenue Montaigne.

La sixième exposition, « Étoiles Filantes » verra défiler une constellation de savoir-faire français, et pour la première fois, quelques talentueux invités étrangers. Petites mains, grands créateurs, artistes d'exception habilleront de leurs précieux ouvrages, et le temps de quelques jours, l'une des suites les plus prestigieuses de ce lieu hors du temps et des modes.

Au-delà de quelques vêtements de très haute facture, c'est aussi toute la préciosité de ce qui constitue cet art unique de la haute couture, tout ce qui entoure ou évoque cet univers de raffinement et d'excellence, qui sera ici mis en scène. Objets précieux de fils et de perles, fières sculptures textiles, bijoux fantastiques, meubles à la fière allure ou encore images sublimes ... c'est autant d'œuvres et curiosités qui célèbreront ce monde un peu hors du monde.

Hubert Barrère en tête, nous dévoilera une création originale réalisée tout spécialement pour l'occasion, suivi de Serkan Kura et ses merveilles de plumes et de strass. Tzuri Gueta nous enchantera de ses curiosités de silicone, et Charlie le Mindu de ses incroyables coiffes de cheveux. Défileront ensuite nos invités belges, Carole Solvay qui sculpte les plumes, Sarah Esther, poète en bijoux, Jean-Claude Wouters enchanteur d'images... également hollandais, Jeff Montes, avec ses dernières recherches en tissus, Paul Heijnen et ses cabinets fantastiques...

Nos « Étoiles Filantes », près de cinquante artistes et artisans d'art, accrocheront au ciel de l'Hôtel Plaza Athénée une véritable voie lactée, brillante de ce qui se fait de plus beau et de plus rare, histoire de nous enchanter une fois encore des merveilles de la création contemporaine.

Exposition « Étoiles Filantes »

Hôtel Plaza Athénée
du jeudi 19 au dimanche 22 novembre inclus de 10h à 19h
Visites privées sur rendez-vous.

www.dorchestercollection.com
www.maisonparisienne.fr

Hôtel Plaza Athénée - 25 avenue Montaigne - 75008 Paris

jeudi 3 septembre 2015

Pierre de Fenoÿl - Paysages conjugués

En 2012, pour la première exposition de Pierre de Fenoÿl (redécouverte de l'œuvre par la galerie) intitulée «Le miroir traversé», nous avions décidé de souligner ce qui fait «l'écriture» de ce photographe: sa puissance d'abstraction, le silence du temps installé dans chaque photographie. Nous n'avions respecté ni chronologie, ni thématique mais choisi d'associer librement ses photographies pour que la qualité du trait de son regard apparaisse comme une évidence.

Pour cette deuxième monographie en 2015, titrée «Paysages conjugués» (présentée en parallèle de la rétrospective conçue par Le Jeu de Paume au Château de Tours jusqu'au 31 octobre 2015), nous concentrons notre choix sur deux grandes périodes de l'œuvre qui révèlent le «vocabulaire» plastique de Pierre de Fenoÿl : l'Égypte et la commande passée par la Datar sur le paysage français.

«Regarder les photographies de paysages de Pierre de Fenoÿl déstabilise et envoûte. Et étrangement, un sentiment de reconnaissance s'impose. C'est là un des tours de force du photographe. Par la précision répétée et sans cesse renouvelée de ses cadrages, de ses points de vue, sa maîtrise de la lumière, son utilisation des nuages résistant à l'oubli de l'air comme au poudroiement de la granularité argentique qui distribue le crescendo des contrastes, il organise une frontalité avec laquelle il signe le paysage. Nous ne reconnaissons pas les lieux mais bien le trait du regard qui fissure le réel, cette culture savante de l'espace, cette dialectique du concret et de l'abstrait, cette intelligence des plans: une agilité intellectuelle acérée mise tout sur l'acte photographique pour interrompre la violence de la beauté.

Pierre de Fenoÿl a écrit à plusieurs reprises que l'on ne prend pas une photographie mais qu'on la reçoit. Certes, mais il reste la manière et plus précisément surtout la forme que l'on donne à cette réception. Rares sont ceux qui mettent la lumière au diapason de leur vision, comme ici: la lumière s'écoule, met en pièces, organise des blocs compacts et impénétrables, l'abstraction jaillit sous le rythme de ses flaques d'ombre, les éléments flottent. L'imbrication de l'espace, de la surface et des profondeurs construit la magie d'une vision qui ne se contente pas du simple reflet du réel mais, par une volte-face, en analyse l'apparence. Le photographe installe sa grammaire réceptive, par touches successives il cerne sa perception.

L'œuvre de Pierre de Fenoÿl est discrète, elle est intime, elle ne cherche pas se faire remarquer, je dirais qu'elle se dresse contre l'opacité du visible. Le noir et blanc, matière de la réalité dont il est ici question, est la lumière entre son monde et nous, le lieu de son écriture. “Il n'y a de lieu que le lieu”, dit Mallarmé. Elle mise sur la mélancolie, sur l'infinie solitude de la sensation, elle nous propose un face-à-face, elle devient complice du complexe. La concentration de Pierre pour faire la peau au sujet, pour enrouler le temps qui se déroule, est expressionniste, il presse la forme pour en faire jaillir l'essence, les choix faits montrent ce qui l'agite, ses noirs et ses ombres démentent tout romantisme, ses nuages sont menaçants, ses premiers plans gênent et arrêtent le regard tout en organisant l'espace en rideaux de scène. C'est une œuvre difficile qui, sous une lecture rapide et absente, peut paraître banale. Il n'en est rien. Elle n'est pas le résultat d'une cueillette d'images mais l'épuisement du sujet pour en interroger, au-delà des apparences, la métaphysique.

Elle échappe à la simplification parce que les paysages photographiés par Pierre de Fenoÿl, une fois reçus par lui, ne sont plus les mêmes, impossible à quiconque de les revoir à nouveau, ils ont été foudroyés et ne se trouvent plus que sur le tirage papier. Ses photographies deviennent la présence contractée du temps et l'énigme d'une attente sans retour. (Jacques Damez, Pierre de Fenoÿl, Une géographie imaginaire, 2015)

Pierre de Fenoÿl
Paysages conjugués
05 sept.-21 déc. 2015
Lyon 1er. Le Réverbèrehttp://coach-lyon.domicilgym.fr/

Paola de Pietri - Questa pianura

Parallèlement à ses dernières séries, «Istanbul New Stories» — qui s'attache à témoigner des transformations subies par les faubourgs d'Istanbul —, et «To face» — révélant les stigmates de la Première Guerre mondiale sur le paysage des Alpes italiennes — Paola de Pietri s'est à nouveau penchée sur un paysage sur lequel elle a souvent travaillé et qui lui est très familier: la plaine du Pô, autour de Reggio Emilia.

Pour cette série inédite, «Questa Pianura» (2004/2014/2015...), elle a arpenté cette vaste plaine, celle de son enfance, où elle vit toujours et qui reste un territoire agricole même s'il a subi des transformations drastiques ces cinquante dernières années — entre restructuration agraire et développement périurbain intensif.

Pour donner à voir ce «plat pays» (Questa Pianura) elle a portraituré ce qui le peuple encore: les vestiges d'anciennes fermes et quelques arbres solitaires qu'elle a choisis de documenter par de grandes images aux élégantes nuances de gris. Ce vaste paysage à l'horizon infini semble ainsi hanté par l'histoire des hommes et d'un temps révolu qui nous sont contés au travers de ces architectures délaissées. En contrapposto, pour mieux marquer l'éphémère face au pérenne : quelques images couleur de la nature en friche ou en champs viennent rythmer le corps du travail.

Paola de Pietri présente ce travail en quelques mots:
«C'est la plaine du fleuve Pô. Ce paysage je le connais depuis toujours et ses changements sont étroitement liés au développement économique d'après-guerre. Dans ce projet se mêlent et se croisent deux séries de photographies: l'une en noir et blanc et grand format représente des arbres et des fermes désormais inhabitées et pour la plupart en ruine. Leur agencement dans l'espace n'est pas aléatoire, il révèle leurs anciennes fonctions agricoles, économiques et sociales qui existaient il y a encore une quarantaine d'années.

A ces images «totémiques» d'arbres et de maisons sont juxtaposées des images couleur de plus petit format, de rivages, d'herbes, de cultures, d'oiseaux, de fleurs sauvages etc., où la perception de la plaine est liée à une dimension sensorielle, vitale, désordonnée, atmosphérique et au cycle annuel de la nature. Je perçois désormais ces paysages comme les fragments d'un discours dont il n'est plus possible de retrouver le sens, même si la disparition, la perte et la ruine sont évidentes. Les arbres privés de leur fonction, se développent de nouveau selon leur ancrage naturel et originel et non plus dans une perspective utilitaire.»

Paola de Pietri est née en 1960. Elle vit et travaille en Italie.

Exposition en 2 volets: du 3 au 26 septembre puis du 10 au 24 octobre 2015

Paola de Pietri
Questa pianura
03 sept.-24 oct. 2015
Paris 3e. Galerie Les Filles du calvaire

Gilles Barbier - Echo Système

Première exposition monographique de Gilles Barbier à la Friche la Belle de Mai, dont il est l'un des résidents historiques.

Entre sculpture, dessins, installations, l'œuvre de Gilles Barbier est protéiforme : pions – personnages en résine de petite taille réalisés à son image — illustrant la multiplicité de son être, séries Habiter la peinture ou Habiter la viande qui intègrent des architectures anachroniques tantôt dans des œuvres picturales classiques, tantôt dans des chairs animales, lapsus où la pensée de l'artiste s'incarne dans des bulles à la manière d'une bande dessinée… ironique, fantasmatique, politique, faisant feu de tout bois pour mettre à nu le désir enfoui, le travail mené par Gilles Barbier est imprévisible et inclassable.

Présentée en deux volets, l'exposition «Écho Système» revient sur le parcours artistique de Gilles Barbier (sculptures, dessins, moulages, installations) et présente de nouvelles œuvres spécialement conçues pour l'occasion.

Le premier volet de l'exposition au panorama repose sur deux installations de grandes tailles, très différentes formellement, mais proches par les notions auxquelles elles renvoient. La permutation et la combinatoire, le hasard et le jeu, clés de lecture fondamentales de l'œuvre de l'artiste, servent ici deux dispositifs qui, tout en faisant du temps de l'exposition un ensemble de moments uniques, mettent en relief le long travail de Gilles Barbier sur sa propre mémoire et sur son identité.

Le second volet, orchestré par Gaël Charbau, se déploie au 4e étage de la tour-panorama. Le commissaire a imaginé un parcours inédit dans le travail de Gilles Barbier où l'on découvre de nombreuses œuvres montrées ici pour la première fois. L'exposition dévoile certaines «règles du jeu» qui ordonnent — ou dynamitent — le travail de l'artiste depuis 1992.

Exposition en coproduction avec Mécènes du Sud, Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois, Astérides et la Fondation d'entreprise Ricard.

Gilles Barbier
Echo Système
29 août-03 janv. 2016
Marseille 3e. Friche la Belle de Mai