vendredi 27 mars 2015

None Futbol Club - Une saison en enfer

L'exposition «Une saison en enfer» du duo d'artistes None Futbol Club, proposée pour la septième saison du centre d'art de la Ville de Chelles, emprunte son titre à un recueil de poèmes en prose d'Arthur Rimbaud. Plus précisément, le projet s'inspire des Délires II «Alchimie du verbe» qui se présente comme la confession d'un être tourmenté qui analyse avec ironie et dérision son expérience poétique. Et c'est avec ironie et dérision que le collectif, dont le nom rappelle le logo d'une marque de vêtements sportifs ou d'une association sportive lusitano-scandinave, questionne, à son tour, le rôle de l'artiste dans les systèmes médiatiques de la société d'aujourd'hui.

La première salle de l'exposition ouvre avec une projection au sol qui montre l'apparition presque imperceptible et en constante évolution du message en anglais «Hold On», en français «ne pas raccrocher» ou «attendez» ou «tiens bon». A la fois slogan publicitaire et message politique, ce texte en perpétuelle création stimule et interpelle notre perception.

Mais c'est à partir de la deuxième salle que l'appréhension cesse d'être uniquement visuelle, elle devient tactile, auditive et fait appel à l'expérience du spectateur. Dans une volière créée pour l'espace, 150 pigeons stationnent sur des perchoirs façonnés en forme de lettres et composent la devise «Hold On». En tombant au sol de cet espace de production, leurs fientes deviennent texte et on reconnaît le message précédemment vu. L'installation qui emprunte son nom à la poésie du XIXe siècle, se présente comme une célébration et dérision de notre époque ponctuée de tweets (le logo de Twitter est une tête d'oiseau) et de mots-clic.

Le panoptique conçu par None Futbol Club représente alors une nouvelle approche de la question des savoir-faire qui traverse la saison 2014-15 du centre d'art, questionnant également les concepts d'industrie culturelle, de politique sécuritaire et de télé-réalité. Le visiteur devenu voyeur, se retrouve à la fois au dessus et en dessous de la volière et observe les oiseaux/performeurs dans l'acte de la production continue du message éphémère. En même temps, une caméra est placée au dessus de la volière et l'image enregistrée est retransmise en temps réel dans la première salle pour faire miroir à l'installation. A travers ce dispositif, les artistes jouent avec l'histoire et l'espace du centre d'art composé par deux églises dont l'une a presque deux fois le même volume que l'autre.

La composante ludique et le concept de simultanéité sont omniprésents dans le travail des artistes : afin de figer dans le temps le résultat de cette action éphémère, tous les dix jours ils récupèrent le message déposé au sol de la volière pour le transformer en œuvres qu'ils appellent avec humour «dropping paintings–des peintures de chutes». Ces tableaux seront montrés dans l'exposition monographique «Alchimie du verbe» qui se tiendra en parallèle à la Galerie Derouillon à Paris.

Ami Barak, critique d'art

None Futbol Club est un duo d'artistes fondé en 2009 à Paris.

None Futbol Club
Une saison en enfer
29 mars-31 mai 2015
Chelles. Les Eglises

Michael Barthel, Gilles Berquet - L'Heure du Loup. Phase 4 : sommeil paradoxal

L'Heure du loup est le titre d'un film d'Ingmar Bergman sorti en 1967 qui explore ce moment incertain où la nuit fait place à l'aube et où se réveillent visions et voix intérieures d'un artiste en proie à son travail.

Le projet L'Heure du Loup fait suite à une série d'expositions collectives initiés en 2010 par Sleep Disorders (Marion Auburtin et Benjamin L. Aman) et expérimentant un parallèle plastique et poétique, entre les zones d'ombre qui animent une recherche artistique et celles qui règnent sur le sommeil.

Il s'agit tout au long de ce projet d'explorer en profondeur un univers trouble et bouillonnant où le résolu et l'irrésolu s'équilibrent le temps d'un instant qui n'en finit pas. Sont abordés de manière conjuguée le spectre des images et des formes surgissant au moment où le corps feint de se replier dans l'inactivité.

Ainsi, L'Heure du Loup suit les différentes phases du sommeil. Le cycle a démarré à la galerie La Box à Bourges le 16 décembre 2014 avec une performance du duo Sleep Disorders et la projection de leur film Somnolence.

Le 2 avril, sera inaugurée la quatrième et dernière phase de «L'Heure du loup: Sommeil Paradoxal», qui présente des œuvres sur papier de Gilles Berquet, Colin Cook et Mirka Lugosi, des films de Laura Gozlan et David de Tscharner et des performances de Michael Barthel, Leif Elggren et Julien Maire.

Dernière phase du cycle, le sommeil paradoxal est la phase de sommeil la plus agitée. C'est la phase privilégiée des rêves. Le relâchement des muscles persiste, mais la respiration et le rythme cardiaque sont irréguliers, le dérèglement de la température corporelle s'accentue et l'activité électrique du cerveau devient comparable à celle de l'éveil. Le visage du dormeur s'anime d'expressions et se met parfois à rire, à crier ou à parler. C'est au cours de cette phase que se produisent la majorité des rêves dont on se souvient. En fin de sommeil paradoxal, l'organisme est en mesure de se réveiller et fait alors le choix du réveil ou de la poursuite du sommeil pour un cycle supplémentaire.

Le même jour à 16h, Thibaut de Ruyter, architecte et critique d'art, s'entretiendra à La Box avec l'artiste Rainier Lericolais lors d'une conférence intitulée «La nostalgie camarade».

L'Heure du Loup prend aussi la forme d'un magazine en quatre numéros qui rassemble les archives de ces évènements et les propositions des artistes et des théoriciens invités ainsi qu'une banque des rêves créée au cours du projet. Le 13 mai, avec la sortie du dernier numéro du magazine, le projet s'achèvera.

Michael Barthel, Gilles Berquet
L'Heure du Loup. Phase 4 : sommeil paradoxal
02 avril-13 mai 2015
Bourges. La Box

Sally Ross

Passionnément fascinée par la tradition et les conventions picturales, les sphères d'influence artistiques de Sally Ross vont de la peinture primitive Flamande à Francis Picabia, en passant par la peinture médiévale. Mais le cœur de son inspiration réside dans les images anciennes glanées par l'artiste, souvent dans des publications éducatives ou des archives photographiques.

Les peintures de Sally Ross dépassent leur point de départ presque nostalgique pour produire une intersection inhabituelle entre la peinture illustrative ou traditionnelle et les photographies informationnelles d'un quotidien suranné.

Dans cette nouvelle exposition, Sally Ross développe sa pratique de transformation des visuels existants — issus de livres d'occasion et de photographies collectées — et son engouement singulier pour le portrait et le paysage. Ses peintures se délectent entre les oppositions aléatoires du représentatif/abstrait, objectif/subjectif, masculin/féminin ou passé/présent. Ses paysages fertiles et idéalisés ou encore ses portraits colorés de tons pastel sont perturbés par des plans abstraits sinueux ou par la présence étrangement artificielle de grandes chevelures.

Les nouveaux portraits de Sally Ross ne ressemblent pas à des selfies d'aujourd'hui, ils n'interpellent pas, ils ne sont pas attentifs, disponibles, ni outrageusement séduisants. Ils continuent à éviter le contact visuel direct avec le spectateur, ils ne vous perçoivent pas et ne vous regardent pas. Ils gardent volontairement une distance et une froideur amplifiée par la palette peu naturelle qu'elle emploie.

Ici, Sally Ross explore une question récurrente en peinture: comment un homme ou une femme sont-ils supposés paraître ou être représentés? Certains de ses portraits ont été réalisés à partir d'un livre documentant la vie des stars transformistes et des artistes de cabaret des années 1960-1970 dans diverses scènes de travestissement. Ses interprètes androgynes évoquent Barbette, ce personnage célèbre de la scène burlesque parisienne des années 1920, dont Jean Cocteau et Man Ray parlaient en 1926: «En effet, il rassemble ceux qui voient la femme en lui, et ceux qui perçoivent l'homme en lui, ainsi que ceux dont les âmes sont touchées par le genre surnaturel de la beauté..» (Jean Cocteau, 1926, Barbette, Jean Cocteau/Man Ray, édition de 1988, borderline/Verlag, Bonn Allemagne, 1988, traduit de l'anglais).

La proximité des paysages et des portraits de l'exposition laisse nos imaginations et nos perceptions fabriquer ou déformer à l'infini n'importe quelle intention tirée des peintures. A partir de l'idée simple de transformer l'image collectée en image peinte, Sally Ross poursuit son obsession répétitive du paysage et du portrait et explore les variations subtiles d'interprétation d'une image, englobant à la fois imagination, folie, absurdité et leur rapport au réel. Elle cherche à traduire le désir de chacun pour les personnes ou les paysages qu'on ne connaît pas et qui n'existent peut-être pas ou qui n'existent plus.

Sally Ross est née en 1969. Elle vit et travaille à Melbourne en Australie. Auparavant, elle a été basée en France.

Sally Ross
26 mars-16 mai 2015
Paris 3e. Galerie Sultana

Ahmad Abu Bakar, Reza Afisina - Archipel secret

L'exposition «Archipel secret» propose une rencontre avec la création contemporaine de l'Asie du Sud-Est, une région en transformation, dont les artistes, enracinés dans des traditions millénaires sont aussi, simultanément, plongés dans l'ultracontemporain.

L'exposition explore, au travers d'une quarantaine d'œuvres en majorité conçues pour l'occasion, les idées et les pratiques d'artistes contemporains originaires d'Asie du Sud-Est, qui n'ont pour la plupart encore jamais été montrés au-delà des frontières de leur pays d'origine.

Si de plus en plus d'artistes originaires de cette région apparaissent aujourd'hui au sein des grands événements internationaux de l'art contemporain, le parti pris de cette exposition est de présenter des artistes restés secrets et dans l'ombre des radars du monde de l'art international.

Leurs œuvres témoignent d'un étirement entre passé et futur, et incarnent une tension féconde entre mémoire et tradition d'une part, et influences contemporaines occidentales d'autre part, tout en apportant à l'art d'aujourd'hui des langages particuliers. Bien que la plupart des artistes aient été initiés à l'art occidental, leurs sensibilités appartiennent à un héritage vernaculaire et se nourrissent de pratiques syncrétiques spirituelles et culturelles. L'exposition reflète cette porosité entre les cultures à l'échelle de l'archipel, ce palimpseste entre les époques, ces passerelles entre les influences spirituelles.

Entrer dans le paysage de l'exposition «Archipel secret» invite à se défaire d'un regard et d'une lecture occidentale de l'art et à découvrir un langage, des codes et des expressions culturelles largement méconnus.

Pluridisciplinaire, l'exposition sera composée d'installations, de vidéos, de sculptures, d'œuvres sonores, mais aussi de performances qui se tiendront de façon aléatoire au cœur de l'espace de l'exposition.

A l'occasion du vernissage de l'exposition et du lancement de Singapour en France - le festival, The Incredible Adventures of Border-Crossers, une performance de Ong Keng Sen, aura lieu les 26 et 27 mars.

Ahmad Abu Bakar, Reza Afisina
Archipel secret
27 mars-17 mai 2015
Paris 16e. Palais de Tokyo

jeudi 26 mars 2015

Le bestiaire onirique de Sophie Verger exposé à la Galerie Bénédicte Giniaux à Bergerac du 10 avril au 3 mai 2015

Sophie Verger nous propose un bestiaire de terre et de bronze qui réveille en chacun de nous des impressions d’enfance ou de notre quotidien. Jamais d’interrogation sur la matière, la proposition à elle seule subjugue et provoque le visiteur.

L’animal parle de l’homme à l’homme. Le lien animal-humain est sublimé. De ce monde imaginaire semble jaillir une sorte de propos militant, aux parfums utopiques ou gracieux.

Ce travail est un hymne à la vie avec élégance, un chant de respect avec audace ou encore un jeu d’amour sans frontière. Alors que certaines silhouettes discrètes ou intimidées discutent, d’autres chahutent sans se préoccuper de l’extérieur …

Sophie Verger accueille dans son atelier tous les animaux en réinventant races, familles ou créatures aux attitudes profondément humaines.

Elle travaille plusieurs terres, de l’intimiste au monumental. Certains grès chamottés et non patinés rappellent à chacun l’histoire inchangée de la terre cuite, depuis des siècles. Le bronze vient ensuite pérenniser et magnifier certaines sculptures.

Voyageant en France et à l’étranger, son bestiaire a déjà conquis plusieurs musées et villes ainsi que de nombreux amateurs depuis 1990.

Un regard particulier où tendresse, complicité, humour et maternité racontent un réel monde imaginaire.

"Mon travail plonge, dans le réservoir culturel passé-présent pour parler des hommes en me servant du masque animal. Je cherche juste le point d’équilibre où cet animal existe par lui-même et je me sers de ses particularités anatomiques pour évoquer une situation. Un ourson fait son apprentissage d’acrobate, un âne s’essaie au funambulisme, deux éléphants se poussent et se retiennent à la fois juchés sur un promontoire, la girafe contemple son ventre rond. Ils sont tous des animaux humanisés que je veux tendres et ne se prenant pas trop au sérieux ... les hommes comme je voudrais qu’ils soient ... un peu.

Mon point d’appui demeure le souci du rapport des formes, de l’expression figée dans l’instant, de la qualité des patines qui doivent donner vie au bronze, du choix des terres en accord avec le sujet.

C’est assez simple dans le fond ... Interroger, surprendre et créer l’émotion." Sophie Verger

A propos de la Galerie Bénédicte Giniaux

Depuis plus de vingt ans, Bénédicte Giniaux va à la rencontre d’artistes et organise de nombreuses expositions personnelles et collectives. C’est en 2010 qu’elle choisit de quitter l’Oise pour aller vivre en Dordogne et ouvrir la première galerie d’art de Bergerac, dans le centre historique.

En priorité, l’art figuratif personnalisé et stylisé autour de différents thèmes : monde animalier, voyage, nu, scènes de vie, nature morte.

Une galerie d’art où dominent rêve, poésie, tendresse, humour et témoignages, signés par des artistes engagés dans leur création, dont la réputation s’envole, pour certains, bien au delà de nos frontières.

Exposition Sophie Verger

Galerie Bénédicte Giniaux
3 Place du Docteur Cayla - 24100 Bergerac

Du 10 avril au 3 mai 2015

Plus d'informations : www.galeriebenedicteginiaux.fr

mercredi 25 mars 2015

« SE FIER AUX APPARENCES » Françoise Pétrovitch rencontre les collections du LAAC et du Frac Nord-Pas de Calais

Avec l'exposition « Se fier aux apparences » le LAAC propose une nouvelle approche de ses collections. Il ne s'agit pas d'une simple invitation ou « carte blanche » mais d'une véritable création à quatre mains issus des questionnements de l'artiste vers les collections (du LAAC et du FRAC) mais aussi des collections vers les œuvres de l'artiste. En résulte des confrontations inédites dans une prise de risque assumée et exaltante, révélant le dialogue constant des deux auteurs de l'exposition.

« Se fier aux apparences » réunit plus de 80 œuvres, dessins, peintures, sculptures, installations (27 du LAAC, 15 du Frac, 42 de Françoise Pétrovitch) présentée en cinq séquences : perception réelle et fictive des corps ; visible/invisible ; mémoire, repère et souvenirs ; fragments et ensemble, différences et complémentarités ; présence/absence. Au cœur du travail de François Pétrovitch comme des œuvres choisies, la place du corps et du regard, la figure, la disparition... sont autant de moyens de porter un regard sur le monde contemporain.

« SE FIER AUX APPARENCES »
27 mars – 20 septembre 2015
LAAC - Dunkerque

lundi 23 mars 2015

MARC CHAGALL - OEUVRES TISSÉES - Musée Chagall, Nice

A l’occasion du 30e anniversaire de la mort de Chagall, le musée national Marc Chagall propose une exposition sur une partie méconnue de l’oeuvre de Chagall : la tapisserie.

De son vivant, Chagall a vu «tomber du métier à tisser» 20 tapisseries destinées au décor de bâtiments publics ou à des collectionneurs privés. Réalisées d’après des œuvres de Chagall, ces tapisseries ont été exécutées dans une étroite collaboration avec les lissiers de la Manufacture nationale des Gobelins ou avec une grande spécialiste de la tapisserie, Yvette Cauquil-Prince.

Interprète brillante de l’œuvre du maître, elle excelle dans la restitution des effets picturaux par les moyens de la tapisserie. Elle transpose dans l’œuvre tissée toute la richesse expressive de l’œuvre peinte, gravée ou dessinée. Yvette Cauquil-Prince propose, par le changement de médium et de format, une autre lecture de l’œuvre de Marc Chagall.

L’exposition «Marc Chagall, Oeuvres tissées» se déploie dans l’ensemble du musée. Elle permet la confrontation exceptionnelle de 12 tapisseries chatoyantes ou plus nuancées avec 12 œuvres originales de Chagall qui ont servi de modèles pour le tissage.

L’exposition a été précédemment présentée au Musée d’Art moderne de Troyes en 2014.

MARC CHAGALL / OEUVRES TISSÉES
NICE / MUSÉE CHAGALL / 21 MARS-22 JUIN 2015

Plus d'informations : www.musee-chagall.fr

vendredi 20 mars 2015

Ismaïl Bahri - Film à blanc

L'exposition s'articule autour d'œuvres réalisées par Ismaïl Bahri dans le cadre d'une résidence de création à la Fabrique Phantom liée à l'Espace Khiasma, en 2013-2014. Cette résidence a donné lieu à l'exposition «Sommeils» à l'Espace Khiasma, avec en écho à celle-ci une deuxième scénographie «Sondes» conçue par l'artiste pour Les églises à Chelles, d'octobre à décembre 2014.

Pour Ismaïl Bahri, «Film à blanc» propose un revers lumineux de l'exposition «Sommeils» qui a eu lieu à l'Espace Khiasma à l'automne 2014. Aussi y retrouvera-t-on des motifs similaires tels que les pulsations lumineuses, la question du film, ainsi que la mécanique d'apparition et de disparition, mais autrement abordés.

Autre lieu, autre contexte: si la première exposition, immersive, donnait à pénétrer une chambre noire, la seconde en propose une formule négative, un pendant diurne, minimaliste et aérien sous la verrière de la galerie. A l'obscurité succède la lumière, au noir, des nuanciers se transformant par petites touches.

La nuance — c'est-à-dire l'écart infime — serait le principe mécanique de cet ensemble. L'exposition articule des cinétiques élémentaires et déploie le fil d'un film dans l'espace. C'est en mêlant mécanique de l'image et mécanique des corps, que s'activent le travelling lacunaire d'une foule, la décomposition d'un souffle, ou la cinétique imperceptible de bobines en chute, le tout articulé par le mouvement du spectateur dans l'espace.

L'espace est composé d'un fil d'images s'étirant comme une ligne d'horizon. Séquences coupées de blancs. En filigrane de cette cinétique, le motif de la Tunisie apparaîtrait par intermittence. Des paysages, des corps et des voix surgissent par bribes. A l'image des vidéos qui laissent entrevoir une manifestation, il s'agit moins de capter «l'événement» que de le manquer. L'attention est déportée vers les marges, à l'endroit des épiphénomènes, et vers des transformations parfois si lentes et silencieuses qu'elles échappent à la perception.

Des voix viennent à nous depuis des écrans placés comme autant de cartons ou de cartels oraux ponctuant cette mécanique générale. Ces voix révèlent un peu de ce qui sous-tend l'ensemble, de ce qui se trame dans le blanc des images.

«Film à blanc» procède par affleurements. Sans jamais crever l'écran, l'exposition gravite autour du pelliculaire de l'événement. A l'image de la pellicule encore enfouie ou non impressionnée, la question du «film potentiel» traverse l'ensemble de l'exposition. Et c'est depuis là que résonne le titre : le «film à blanc» n'est jamais totalement activé, il porte en lui des manques; des dénouements latents. Chargés à blanc, ces films semblent actifs par leur inanité même et se donnent en surface à de potentielles projections.

Film à blanc
20 mars-25 avril 2015
Paris 3e. Galerie Les Filles du calvaire

Giulia Andreani - Tout geste est renversement

A l'occasion d'une discussion lors de la préparation de l'exposition, Giulia Andreani, de retour de Meisenthal où grand nombre des travaux présentés ici ont été conçus, a convoqué une référence assez inattendue pour étayer son propos : Le Requiem pour un jeune poète du compositeur allemand Bernd Aloïs Zimmermann. Créée en 1969, l'œuvre en question est une espèce de patchwork polyphonique superposant des sources hétérogènes où des extraits du Canto LXXIX d'Ezra Pound sont mélangés à des citations, entre autres, de Joyce, Camus, Benn, Brecht mais aussi de Wittgenstein auxquelles s'ajoutent des bribes d'enregistrements de Mao, Dubcek, Hitler, Goebbels, Jean XXIII et Churchill, le tout enveloppé par un tissu orchestral tramé de sons électroniques et jazz.

Le Requiem, rarement donné en concert — il le sera en juin à la Philharmonie de Paris—, évoque effectivement l'esthétique échafaudée depuis plusieurs années par Giulia Andreani. Et ce à deux niveaux: à titre individuel, la plupart de ses œuvres se caractérisant par un sens du montage, selon les cas plus ou moins discret, mais aussi dans une perspective intertextuelle, peintures et dessins de cette artiste se répondant et formant un tout, quand bien même dissociable, qu'elle ne cesse d'alimenter.

Ce qui rapproche enfin son propos de celui du compositeur allemand est cette manière, presque désinvolte, de conjuguer des sources «légères» et «graves», des références «superficielles» et «profondes». Giulia Andreani n'est pas sans le savoir: une fois désolidarisée de son contexte et/ou de sa légende, l'image est un signe suspendu et orphelin sur lequel on ne saurait porter de jugement fiable et encore moins définitif.

On en veut pour preuve cette composition sobre et peu spectaculaire s'intitulant La gifle. Deux athlètes y sont représentés dans un mouvement qui nous donne la trompeuse impression d'être synchronisé. Nous savons d'après les sources dévoilées par l'artiste que nous sommes en compagnie ici d'une lanceuse de disque participant à une compétition sportive sur le territoire palestinien, prise en photo par Liselotte Grschebina en 1937, et de Erwin Hubert, discobole nazi immortalisé par Leni Riefensthal un an auparavant. L'une comme l'autre peuvent se vanter d'avoir un physique avantageux et photogénique et se sont en conséquence fièrement pliés à leurs objectifs respectifs. Mais leur identité de même que celles de leur photographe, sans même parler des lieux où ils ont été photographiés, les rendent bien entendu incompatibles. Réunis au sein d'une même image et d'une chorégraphie de circonstance, les athlètes juive et allemand sont donc fédérés par la traduction picturale et ses nuances de gris qui font écho aux sources photographiques.

Les œuvres de Giulia Andreani sont innervées de telles rencontres improbables et autres télescopages qui désamorcent les références initiales afin de les soumettre à des relectures qui nous incitent à interroger les liens entre images fixes ou en mouvement et l'histoire.

Pièces à conviction, documents, fiction et réalité: ces notions sont mises à rude épreuve dans son œuvre. D'où l'intérêt qu'elle affiche pour des genres qui n'ont cessé de se situer au croisement de celles-ci, à l'image du Nouveau Réalisme italien dont nombre de captures d'écran figurent dans sa base iconographique.

On mentionnera enfin que cette exposition est placée sous l'autorité et la présence fantomatique de Hannah Höch. Rappelons que cette artiste dadaïste avait su à sa manière, dans un environnement certes différent et tout particulièrement hostile — elle avait du faire face et à l'animosité de ses confrères mâles et du régime nazi —, renégocier des images hétérogènes à des fins tout aussi stimulantes et entêtantes que celles qui nous sont données à voir ici.

Tout geste est renversement
21 mars-25 avril 2015
Paris 3e. Galerie Maia Muller

Laurent Pernel - Bliss Krieg

La nouvelle exposition de Laurent Pernel vient ponctuer une intense période de travail. En résidence à Montréal en 2012, il réalise Topographie, Pas de deux et Map is a drawing, une trilogie vidéo dans laquelle on retrouve ses intérêts pour l'action dans l'espace public et l'usage du bricolage comme révélateur du paysage urbain. Il entame ensuite le tournage d'un film à Bucarest en collaboration avec Phoebé Meyer.

Cette prédominance du travail de montage motive peut-être son besoin de revenir à la pratique du dessin, sa dynamique de production se fondant habituellement sur l'alternance entre divers médiums et rythmes d'action. Les glissements et rapports d'échelles entre ses pratiques — de la main au corps, la maquette à l'architecture, l'individu au politique, la carte au paysage — traversent cette exposition qui réunit six grands dessins sur papier, un corpus de quatre-vingt neuf dessins présentés en vidéo, une photographie et un livre d'artiste.

Pour saisir le territoire dessiné par ces œuvres, il est utile d'en raconter l'histoire. Après la série Burn Out réalisée par pyrogravure sur papier, Laurent Pernel cherche à libérer son geste et à s'affranchir d'un rapport pointilleux à la représentation. Il commence par préparer les fonds d'un paquet de feuilles en y appliquant un lavis bleu et vert (couleurs génériques du paysage) à travers de la dentelle. Cette recherche de «fond» n'a rien d'anodin si l'on considère la polysémie du terme. Avant même d'en venir au trait, il construit une boîte pour les contenir.

Un rapport d'intimité s'engage avec cet ensemble d'ores et déjà indissociable, qu'il nommera bientôt Les dessins en colère. Il s'agit de développer une pratique d'atelier libératrice, un exutoire quotidien par rapport à son environnement, une méthode pour laisser surgir l'inconscient et s'autoriser à «ré-agir», la post-production prenant d'ailleurs progressivement le pas sur l'action enregistrée dans son travail. Au fil des pages et selon l'émotion du moment, diverses formes et techniques se déploient.

Des mots apparaissent aussi, formulant une syntaxe chaotique. Cette série est bavarde, tout au moins bruyante, elle constitue une sorte de partition qui n'aurait pas pu être montrée autrement que sous cette forme de manipulation filmée. Le vocabulaire qui s'y décline prend source dans la banque de données constituée par l'artiste (carnets de croquis, collecte d'images, coupures de presse, objets ramassés, enveloppes électorales volées…).

Ses lectures viennent également nourrir la recherche, en particulier son intérêt pour le mouvement de «cartographie radicale» s'inscrivant dans la lignée des géographes radicaux apparus dans les années 1960 aux Etat-Unis et se réclamant du situationnisme. D'où le terme «Atlas», sous-titre de l'exposition. Rappelons au passage qu'au-delà du recueil cartographique ou botanique, ce mot désigne la première vertèbre cervicale qui supporte la tête, en référence au géant de la mythologie condamné par Zeus à porter la voûte céleste sur ses épaules. On peut aussi penser à l'Atlas Mnémosyne d'Aby Warburg.

Durant la constitution du corpus de dessins, Laurent Pernel éprouve également le besoin de déployer l'expérience sur grand format, passant ainsi d'un geste mesuré à un engagement physique. Par diverses techniques (gifles de peinture, fusain frotté, griffonnage au stylo bille, pliage), il compose des images énigmatiques, en équilibre précaire, voire en ruine, comme l'enseigne «Univer» ayant perdu son «s» ou le point levé de Vilvoorde 3100 en souvenir de la lutte déçue des ouvriers Renault.

Bien qu'éloignés formellement, Les dessins en colère, la photographie Marianne #2 et l'édition Carne ont en commun une manière de convoquer avec force et humour notre rapport au corps, à la mémoire et au langage. Lors de la dernière campagne présidentielle, Laurent Pernel lance un appel pour collecter plusieurs centaines de professions de foi électorales. Chaque document est composé d'un portrait photographique du candidat et du texte de campagne.

En les analysant, Laurent Pernel est frappé par le reflet des stratégies politiques sur le graphisme et la composition des images, rides gommées ou maquillage chargé pour certains, lumière naturelle pour d'autres, symbolique des fonds sur lesquels sont incrustés leurs visages, etc. Il décide d'insérer au creux de chaque double page une vue rapprochée de son propre corps, un fragment de peau nue, poilue, sans artifice. Se crée alors une relation étonnante entre les discours, les portraits et la chair de l'artiste. Puis les feuillets sont reliés par une couture manuelle au fil rouge, seconde signature personnalisée transformant ces outils de communication de masse en objets précieux.

D'une manière générale, le rapport au corps est fondateur dans le travail de Laurent Pernel, qu'il s'agisse de son implication physique ou de la capacité de ses œuvres à convoquer le corps du spectateur. Dans L'image survivante. Histoire de l'art et temps des fantômes selon Aby Warburg, Georges Didi-Huberman analyse l'hypothèse de Warburg selon laquelle la puissance de transmission des images résiderait dans leur pouvoir d'incorporation, c'est-à-dire leur propension à impliquer de manière empathique le corps du regardeur.

Pour reprendre les mots de l'artiste, ses derniers travaux sont empreints d'une forme de «pessimisme raisonné». Il ne s'agit pourtant pas de résignation, puisqu'en mettant sa colère en œuvre, en recyclant les promesses électorales ou en construisant de nouvelles images sur des ruines, il développe sa réactivité productive, comme l'indique le titre «Bliss Krieg» que l'on pourrait littéralement traduire par «guerre du bonheur». Un glissement sémantique de la stratégie offensive Blitzkrieg vers l'image du bonheur selon Windows.

La cartographie subjective que nous propose Laurent Pernel trace des frontières symboliques — entre fond et forme, théorie et pratique, intérêts économiques et désirs individuels, discours politique et corps social — délimitant une géographie alternative, où l'histoire intime et l'histoire collective se rejoignent.

Bliss Krieg
21 mars-09 mai 2015
Paris 3e. Galerie Houg

Dominique Petitgand - Il y a les nuages qui avancent

Pour sa première exposition de l'année, le Centre international d'art et du paysage de l'île de Vassivière présente une monographie de Dominique Petitgand, figure majeure de l'art contemporain français.

L'exposition «Il y a les nuages qui avancent» réunit cinq installations sonores (pour certaines inédites) et deux œuvres-textes réparties dans les différents espaces du centre d'art et du Bois de Sculptures de Vassivière. Elle invite à (re)découvrir, différemment, le Centre international d'art et du paysage: des voix, des bruits, des mots, des silences et des atmosphères musicales résonnent entre ses murs et entretiennent des liens invisibles.

Dominique Petitgand y a présenté, en 2013, dans le cadre de l'exposition collective «Agir dans ce paysage» l'installation sonore Proche, très proche (2006-2013), qui fut alors comme le point de départ à cette exposition personnelle. Dominique Petitgand aime à définir ses œuvres comme des récits, des paysages mentaux. Il élabore ses installations à partir de l'enregistrement de paroles, de respirations, de bruits et de musiques qu'il compose, sollicite, déconstruit et découpe. Son travail explore le langage sonore, la voix humaine, les bruits produits par le corps et quelques objets. Ses œuvres sont immatérielles; elles trouvent leur formulation en fonction des lieux, des contextes et des supports et doivent également tenir compte des caractéristiques de chacun d'entre eux. Elles s'adressent à un visiteur mobile qui construit sa propre écoute et son propre mixage au gré de son cheminement spatial et mental.

Dominique Petitgand a composé ici avec les spécificités et les possibilités architecturales et acoustiques de chacun des espaces du centre d'art: hauteur, largeur, résonance, clôture ou ouverture sur l'extérieur. Les sonorités de chaque salle y jouent un rôle prépondérant. Le parcours de l'exposition débute dans le Phare avec pour première installation Les liens invisibles (2013) qui crée à distance un dialogue entre une voix et des bruits. On entre ensuite dans la Nef où résonnent les vibrations électriques de l'œuvre De l'électricité dans l'air (2015). On peut y discerner également, dans les silences, des voix sans parole qui proviennent de la Salle des études, pour ainsi créer un lien, une continuité entre les salles et entre les œuvres.

Le titre de l'exposition «Il y a les nuages qui avancent» est indirectement inspiré de l'œuvre Il y a, ensuite (1994), présentée dans le Petit Théâtre. Dans cette œuvre, une enfant décrit un paysage réel ou inventé qu'elle surplombe. L'ouverture de la salle sur le paysage du lac de Vassivière et son barrage lui fait ainsi directement écho.
Dominique Petitgand présente également une installation en pleine nature dans le Bois de Sculptures, Je siffle au bord du quai (2011-2013), qui vient habiter le calme apparent de la forêt via l'enregistrement d'un sifflement discontinu ponctué par de brèves interruptions assourdissantes d'un train à grande vitesse.
Parce qu'immatériel, le travail de Dominique Petitgand peut être montré dans des lieux et des contextes très différents. «Mais le lieu central, c'est l'art parce qu'il se trouve que le monde de l'art est le lieu qui rassemble les pratiques orphelines, singulières, sans statut stable.» (Dominique Petitgand)

Il y a les nuages qui avancent
22 mars-21 juin 2015
Beaumont Du Lac. Centre international d’art et du paysage

Lina Ben Rejeb, Myriam El Haik - De l'écriture de l'écriture

écriture n. f.
1. Représentation de la parole et de la pensée au moyen de signes graphiques.
2. Acte d'écrire des textes, des œuvres.


Y a-t-il un sens dans l'action d'écrire, qui serait entièrement indépendant du contenu ? Une sédimentation du temps de l'écriture ? Une signification qui pourrait apparaître dans la ligne écrite elle-même ? Y a-t-il quelque chose qui est propre à l'écriture de l'écriture, de toute écriture, peu importe son lexique ? Ce sont là quelques‐unes des questions que pose «L'écriture de l'écriture».

Chacune des œuvres de l'exposition incarne ainsi la quête d'un sens en dehors de la signification conventionnelle des signes scripturaux. Poètes ou artistes, russes ou tunisiens, formés aux beaux- arts, au conservatoire de musique ou autodidactes, les artistes réunis dans l'exposition se ressemblent peu par leur parcours, leur culture, leur génération et, même, leurs alphabets (qui comptent 26, 28 et 33 lettres, respectivement).

Ce qui les rapproche est un intérêt pour les formes de l'écriture en deçà de la signification conventionnelle. Lorsqu'on écrit pour communiquer, la visée est utilitaire: il s'agit de faire passer un message, moyennant le sens des mots utilisés. Or, il existe des écritures dont l'objectif n'est pas de faire comprendre les pensées qu'elles expriment, qui ne cherchent pas à communiquer un message moyennant des codes appris. Leur schéma de références est privé — ou il n'y en a pas. Ecrire ainsi ce n'est pas assembler les symboles d'une écriture (par exemple latine, arabe ou cyrillique) de façon nouvelle et potentiellement inouïe. C'est chercher le sens ailleurs: dans les formes scripturales elles‐ mêmes, en-deçà d'un langage commun, ou alors dans l'action qui les a fait exister. Celle-ci implique un corps et un temps propre, généralement oubliés face au texte qu'on lit.

Comme c'est rarement un pur esprit qui a écrit, ce n'est pas non plus un esprit seul qui lit. Ecriture et lecture sont incarnées et se déroulent dans l'espace et le temps. Car s'il y a un temps de l'écriture, la Schreibzeit dont parle Hanne Darboven, un écrit propose toujours aussi une Lesezeit, comme un programme temporel à activer lors de la lecture. Autrement dit: l'écrit n'est spatial qu'en surface. En profondeur, il est doublement temporel. Or, l'hypothèse d'un sens qui ne serait pas celui des mots n'est que rarement la première que fait un récepteur.

Culturellement renforcée, la signification lexicale risque toujours d'écraser les autres, pour le lecteur ordinaire autant que le savant: hors du texte point de salut, affirmait Greimas. Il s'intéressait aux dispositifs linguistiques du texte et aux structures narratives qui s'y manifestent.

Mais l'écriture n'est pas le texte (et vice-versa). Ce n'est qu'à condition que le sens conventionnel ait été évacué que l'attention du lecteur peut être déportée. Car l'accès au sens d'un mot reconnu est automatique et précède notre compréhension consciente. Pour nous permettre de voir l'écriture en deçà de l'écrit, la mise à mal du sens conventionnel est donc indispensable.

Lorsque le sens lexical des mots disparaît, autre chose peut se faire jour, une forme, un mouvement, un rythme, une temporalité. En littérature, c'est la poésie qui se rapproche le plus du projet des artistes qui n'écrivent pas seulement pour dire les mots, mais aussi pour donner à voir et à vivre leur agencement. Ce n'est donc pas un hasard que deux des artistes de l'exposition sont des poètes. Et si, malgré la diversité des approches, quelque constante, imprévisible en amont, venait ici à apparaître, il se pourrait bien que ce soit là le propre de l'écriture de l'écriture.

De l'écriture de l'écriture
21 mars-18 avril 2015
Paris 3e. Galerie Vincenz Sala

Dennis Adams, Vincent Bonnet - Le Pas et la Page

Le Pas et la Page. Approches de la ville et de la nature dans le livre d'artiste

«Le Pas et la Page» se propose d'explorer la manière dont, par le livre, des artistes rendent compte de leur expérience de la ville et de la nature quand ils les parcourent à pied. L'objet de cette exposition n'est donc à proprement parler ni la marche, ni la nature ou la ville, mais le point de vue particulier sur l'une ou l'autre que seul permet le déplacement à pied: une expérience à l'échelle du corps humain, de ses capacités et de son rythme, dans un environnement donné, urbain ou naturel.

Une première version de cette exposition, exclusivement consacrée à l'approche de la nature, a eu lieu au musée Gassendi à Digne-les-Bains en 2013. Pour sa version marseillaise au Frac, elle a été à la fois condensée et augmentée d'un volet inédit consacré à l'approche pédestre de la ville.

Ce diptyque invite à comparer deux types d'expériences, dualité dont rend bien compte la confrontation de deux textes écrits au milieu du XIXe siècle, au moment du développement de l'industrialisation et de la naissance des villes modernes. Charles Baudelaire, en 1863, dans Le Peintre de la vie moderne, fait l'éloge de la figure citadine du «flâneur», qu'il décrit comme un «être hors de soi» parce que sollicité de mille côtés par le «kaléidoscope» d'une ville en mouvement constant et dont la frénésie est contagieuse. Henry David Thoreau, en 1851, dans Marcher, voit au contraire la marche dans la nature «sauvage», comme le moyen de se retrouver soi-même, d'être «où se trouve [son] corps», d'être libre.

Dans la nature, le marcheur, a fortiori l'«artiste marcheur», généralement solitaire, choisit son chemin, l'esprit ouvert à ce que l'effort de son corps lui permet de découvrir dans la variété de ce qui lui est donné, ce qui se marque par des œuvres directes, concrètes, sensibles. Dans la ville, au contraire, le flâneur, a fortiori l'artiste piéton, au milieu de la foule, canalisé par les voies de circulation et soumis aux flux ininterrompus d'informations hétérogènes, doit toujours plus ou moins s'imposer, imposer son projet à l'environnement urbain. C'est significativement de ce côté que l'on trouve les livres les plus conceptuels.

Le Pas et la Page
21 mars-06 juin 2015
Marseille 2e. Frac Provence-Alpes-Côte-d´Azur

lundi 16 mars 2015

Exposition ARCHICHOCO… des oeuvres à déguster avec les yeux à la Cité du Chocolat Valrhona

Cette nouvelle exposition, imaginée et créée spécialement pour la Cité du Chocolat par deux passionnés de gastronomie, transporte le visiteur dans l’univers architectural.

Une exposition imaginée, créée et réalisée par Jérémie Runel Chef pâtissier & Guillaume Ladavière Designer.

Et s’ils l’avaient fait en chocolat ? Telle est la question que Jérémie et Guillaume se sont posée lorsqu’ils ont imaginé les œuvres qui la composent avec le pari un peu fou de rendre le design comestible !

Un projet né de leur rencontre, il y a 8 ans avec la réalisation dans le cadre des études de design de Guillaume, d’une maquette en chocolat d'une ville utopique d’une civilisation vivant en symbiose avec l'élément chocolat. Ils poursuivent aujourd’hui cette collaboration avec Studio Toqué, créé en septembre 2013, un studio créatif en conseil culinaire et image avec la volonté commune de sublimer cette gastronomie qu’ils aiment tant.

L'exposition ARCHICHOCO est le fruit d’une collaboration entre leurs deux disciplines : le design et la pâtisserie. Elle est à l’image de cette amitié et de leur passion commune pour les bonnes et belles choses qu’ils aiment créer.

L’exposition se fraie un chemin à travers le monde de l’Architecture et du Design du début du XXème siècle à nos jours.

Et si le ciment, le béton, le bois, le plastique, le métal devenaient caramel, meringue, biscuit ou chocolat ?
 Que deviendraient ces formes imaginées par les designers et architectes ?

A travers des expérimentations en maquettes, les créateurs de l’exposition ont voulu explorer l’histoire du design et de l’architecture et réinterpréter des œuvres de manière comestible. Chaque pièce a été revisitée à la sauce pâtissière… bûche, entremets, dessert à l’assiette, œuf de Pâques, bonbon de chocolat, sandwich sucré, petits fours prennent la forme de bâtiments, chaises, vaisseaux galactiques...

Le chocolat devient un matériau de construction.

Composée de 14 vitrines, l’exposition se divise en deux parties : l'architecture et le mobilier. Elle aborde pour chacune des parties les trois courants traversant le XXème siècle :

- Le modernisme (première moitié du XXème siècle) avec des architectes comme Le Corbusier, O. Niemeyer ou L.Mies Van der Rohe qui conçoivent des espaces simples et fonctionnels. Les bâtiments sont faits d'assemblages de formes géométriques.

- L'architecture utopique des 60's avec les collectifs Archigram, Archizoom, Superstudio qui imaginent des villes du future à base de conquête spatiale et de société de consommation croissante.

- Le déconstructivisme (des années 80 à nos jours) avec des architectes comme F. Gehry, D. Liebeskind ou Z. Hadid qui créent des bâtiments spectacles aux formes exubérantes.

Les architectes menant la même réflexion pour les bâtiments et les aménagements intérieurs, le mobilier connaîtra les mêmes influences.

Toutes les œuvres réalisées offrent un parallèle entre architecture, mobilier et pâtisserie et sont réinterprétées dans l’idée de pouvoir les déguster et auraient leur place dans la boutique d’un pâtissier ou à la carte d’un restaurant.

Guillaume LADAVIERE

Passionné d’art, d’architecture et des métiers de la création, depuis tout petit il aime créer de ses mains. 
Il a toujours observé et photographié le monde qui l’entoure. Enfant, il rêvait d’étudier aux Beaux- arts comme son grand-père. Après des études à l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Lyon en section Design, Scénographie et Espace urbain, il est aujourd’hui designer indépendant.

Jérémie RUNEL

Quatrième génération de Chefs cuisiniers, Jérémie s’oriente rapidement vers la pâtisserie. Il débute dans de belles maisons auprès de grands chefs : Christophe Adam chez Fauchon, Gilles Marchal au Bristol. Puis exerce durant 8 ans au sein de l’Ecole Valrhona auprès de Frédéric Bau en tant que Chef pâtissier formateur. En mars 2014, Jérémie est finaliste de l’émission « Qui sera Le Prochain Grand Pâtissier ».

En avril 2013, Jérémie crée La Fabrique Givrée en Ardèche,
 un nouveau concept de glaciers à base de produits de qualité.

Des expériences et des rencontres qui ont développé sa créativité et son amour pour les meilleurs produits.

Lieu de visite multi-sensoriel et ludique, placé sous le signe de la gourmandise autour du chocolat sous toutes ses formes, la Cité du Chocolat éveille les sens des petits et grands.

L'exposition ARCHICHOCO aura lieu du 6 Mars au 30 Juin 2015 à la Cité du Chocolat Valrhona.

Du lundi au samedi de 9h à 19h et dimanche et jours fériés de 10h à 18h (dernier billet délivré 1h avant la fermeture).

La Cité du Chocolat Valrhona
12, avenue du Président Roosevelt - 26600 Tain-L’Hermitage

www.citeduchocolat.com/fr

Exposition « Trichromie » par Clément Darrasse

Pour explorer la couleur, Clément Darrasse a choisi la TRICHROMIE, procédé qui parcourt le temps depuis 1860 !

Le choix de l’expérimental et de la lenteur, comme un pied de nez au numérique et aux photos enrichies de filtres de couleurs des smartphones. La trichromie nécessite trois pauses, rouge, verte et bleue. S’ajoute à cela la notion de différé, le résultat n’est pas visible tout de suite, chaque prise est unique, chaque photo un mystère.

Clément Darrasse travaille à la chambre grand format depuis son adolescence. Il a étudié à l’école des Beaux-Arts de Bourges puis de Nantes. Co-créateur de la fondation artistique 30km/s à Barcelone, il a participé à différents projets de films, de livres ou d'art plastique en Europe, en Amérique du Sud et en Asie. Il a notamment mené durant deux ans un travail d’installation in-situ dans des institutions publiques à Lisbonne avant d'animer un atelier de photographie au Groenland pendant la nuit polaire.

Exposition du 18 mars au 15 avril 2015.

14, quai de Bethune, M°Sully-Morland à Paris (75).

KOUKA « Butterfly » - Galerie Taglialatella

Exposition du 20 Mars au 30 Avril 2015

Pour cette nouvelle exposition personnelle, Kouka marque une évolution évidente dans sa facture, l’affirmation de son style brut est subtilement combinée à la maîtrise de son procédé technique, la peinture se fait plus précise, plus affinée. Sa démarche, toujours guidée par une quête de l’universalité, apparaît dans la représentation au-delà des symboles habituellement traités.

Les guerriers Bantus, mémoire des civilisations et témoins de l’origine de l’homme et les portraits évoluent vers des silhouettes sans visage qui semblent s’imposer fièrement. En explorant l’universalité dans sa représentation la plus minimaliste, par l’expression seule du trait, Kouka revient à un essentiel sublimé par la force de nos Origines.

Galerie Taglialatella

13 rue de Picardie 75003 Paris
Du mardi au samedi de 11h à 19h

www.djtfa-paris.com

jeudi 12 mars 2015

Enna Chaton - Le bleu du ciel

Pour son exposition monographique Enna Chaton est invitée par le Centre régional d'art contemporain Languedoc-Roussillon à présenter un ensemble de photographies dans les trois grandes salles qui lui sont consacrées.

La pratique artistique d'Enna Chaton est élaborée essentiellement autour de la question du nu et du modèle. Enrichies par une pratique de la performance, les propositions photographiques mises en espace au centre d'art se présentent sous forme de «tableaux» au sens de tableau d'une pièce de théâtre comme une division du temps et de l'espace, un tableau par salle mais aussi comme des plans séquences d'hypothétiques performances ou encore comme une composition «d'arrêts sur image».

Le développement du travail d'Enna Chaton convoque aussi bien l'installation, la mise en scène, la sculpture et entremêle différents champs de références et d'expressions dans la construction de ses dispositifs photographiques.
Ses performances mettent en scène des participants invités à explorer des territoires qui leur sont inconnus dans une forme singulière de mise à nu. Enna Chaton également nue, avec eux, tente d'ouvrir un espace permissif expérimental, créatif où l'être se révèle différent de son quotidien, où la nudité crée un univers décalé du monde actuel, où cette nudité démocratique balaie les normes et les stéréotypes. Elle propose une confrontation douce et brutale avec soi-même avec les autres et avec le public. Ses ensembles photographiques sont intiment liés à ses performances.

«L'artiste provoque les rencontres et observe les corps, l'enregistrement se fait discret, le propos n'est pas le voyeurisme ou l'exhibitionnisme mais bien le partage d'une sensualité, d'une singularité irréductible comme point unique d'origine. L'exploration du désir est le propre de l'activité artistique et amoureuse. L'ambiguïté du travail vient du sujet même abordé à la fois archaïque et complexe, maîtrisé et pulsionnel, personnel et universel. Et sa pertinence, de la nécessité de mettre en cause le clivage occidental persistant, du corps et de l'esprit, de la raison et du désir. De manière indirecte, le travail d'Enna Chaton montre comment les pulsions sexuelles produisent aussi notre amour de la beauté et construisent notre éthique.

Cette œuvre s'inscrit en résistance au phénomène de déréalisation actuel. Elle répond par une esthétique de la différence et une réalité plus proche au désenchantement et à la crise identitaire révélée en ce début de siècle. La société marchande est une forme extrême d'expropriation qui vide le langage et les corps de leur épaisseur, c'est pourquoi saisir l'être exposé et réinventer l'amour est équivalent de nos jours à une prise de position politique».
Céline Mélissent

Enna Chaton
Le bleu du ciel

06 fév.-31 mai 2015
Sete. Crac Languedoc-Roussillon

Eléonore False - Il suffit de son bras soulevé pour arrêter et faire reculer le soleil

À partir de fragments d'images minutieusement collectées au gré de ses lectures, Éléonore False crée un répertoire de formes et de gestes auquel elle applique tout un ensemble de procédures (agrandissement, découpe, évidement, incises, répétitions) que l'artiste envisage dans un rapport sculptural à l'espace dans lequel ces images viennent trouver une nouvelle configuration. Son intérêt se porte plus particulièrement sur les représentations du corps et engendre un répertoire de gestes dans lequel l'artiste va puiser, qu'ils soient issus par exemple de la danse, de l'histoire de l'art ou des livres de médecine. Le traitement systématique en noir et blanc permet à l'artiste de brouiller les pistes quant aux époques et aux provenances de ces fragments, l'effet produit sur le spectateur est bel et bien celui d'un trouble devant des images tout à la fois familières et énigmatiques, dans l'incapacité que nous sommes de les situer sur un plan spatio-temporel.

Il suffit de son bras soulevé pour arrêter et faire reculer le soleil, le titre de son intervention au Mrac, est une citation extraite de Marcel Proust dans Du côté de chez Swann, dans lequel le narrateur analyse sa lente remontée du sommeil, entre rêve et réalité. Si la référence à Proust vaut surtout pour la musicalité de la citation et ce qu'elle suggère en termes de mouvement du corps dans son rapport au soleil, il n'est pas incongru de voir dans les obsessions proustiennes une démarche qui peut nous éclairer sur celle de False. Chez Marcel Proust comme chez Eléonore False en effet, l'identité est par essence fragmentaire, et pour se recomposer, le sujet se soumet alors à sa propre dispersion, s'obligeant à briser un confortable modèle d'unicité.

Son installation pour le Mrac met ainsi en miroir deux images issues du fond iconographique de l'artiste: l'une représente un homme de profil du peintre italien de la Renaissance Piero Di Cosimo, dont Éléonore False répète le motif du nez; l'autre provient d'une performance de l'artiste californien Paul McCarthy qui se traîne au sol, laissant derrière lui la trace de son avancée, un mouvement du corps rejoué et augmenté par l'installation de l'œuvre entre sol et mur.

Installé à l'entrée du musée, passage obligé du public vers les expositions, l'installation de Éléonore False nous fait donc naviguer dans les eaux troubles et passionnantes de notre histoire de l'art, entre la posture altière du personnage de Botticelli et celle à la limite du ridicule de Paul McCarthy, ou comment à travers les âges, les postures corporelles nous en disent long sur la représentation que nous nous faisons de nous-mêmes.

«J'extrais, je découpe, j'incise, je sépare, j'agrandis, je réduis, je plis, je mets à mal les images que je prends en les mutilant et en les démembrant. Je les sors soudainement de leur contexte pour les faire dialoguer avec ma pratique. C'est par ces moyens d'appropriation que je redonne une forme de vie aux images. [...]

Je re-contextualise et re-spatialise un autre corps sensible par des gestes chirurgicaux sur le papier. Le rapport du corps à l'espace d'exposition est essentiel et il est révélé par cette remise en mouvement de ces documents d'archives.

Une fois passées au noir et blanc, ces images perdent symboliquement une partie de leur spécificités historiques, leurs différences s'estompent et elles s'unifient. Les pièces qui sont conçues dans l'espace de l'atelier viennent ensuite se placer dans l'espace d'exposition et y cherchent leur place. Pour s'installer elles empruntent au registre spatial du décoratif (motifs chromatiques sur les murs, choix de disposition des pièces) et du grotesque (qui par l'humour les humanise) et leur permettent d'être perceptibles, tout en restant autonomes.»
Eléonore False

Eléonore False
Il suffit de son bras soulevé pour arrêter et faire reculer le soleil
15 mars-07 juin 2015
Vernissage le 14 mars 2015
Serignan. Mrac Languedoc-Roussillon

Eric Corne - Being Beauteous

Cette exposition rassemble une douzaine de peintures et dessins récents d'Eric Corne, reflets de l'exode et d'une étape importante dans le travail de l'artiste. Le dessin a évolué, le traitement des corps, témoignages d'amour, s'est légèrement adouci, la luminosité de certains espaces des tableaux s'est étonnamment intensifiée, les perspectives et profondeurs se sont accentuées.

L'artiste joue davantage sur sa peinture cachée, dissimulant malicieusement des visages au sein de ses toiles. Les gants de boxe ont disparu, comme si la lutte avait fait place à l'abandon, la réconciliation. Pour la première fois, l'artiste peint son portrait. Pour la première fois, une deuxième femme apparaît dans ses tableaux.

Cette exposition offre une nouvelle plongée au cœur de la peinture-poésie d'Eric Corne, au cœur de ses histoires sublimées par la couleur, au cœur d'une peinture singulière résolument vivante.

D'abondance, couleurs de nuit. Texte de David Rosenberg, à propos de la peinture-poésie d'Eric Corne et de ses dernières toiles qui seront exposées chez Patricia Dorfmann: «Comme un beau poème ou un bon morceau de musique: c'est articulé, complexe et pourtant tout d'un bloc. Ça coule de source, mais pas uniquement d'un trait; il y a des linéaments, des couches, des images cachées. Les toiles d'Eric Corne se goûtent comme une écriture au sens plein du terme: sens et/ou sonorité, matière et/ou symbole. Le moteur du travail, c'est l'amour. Son carburant: la mort, pas comme fin obscure, mais comme un aiguillon, comme un ami-adversaire qui vous pousse dans vos derniers retranchements.

L'ombre de Cravan, l'artiste-boxeur-provocateur, plane. L'art comme coup de poing. Fulgurance: peindre d'abord, on aura tout loisir de réfléchir ensuite. Son histoire, c'est aussi l'histoire d'un clown aux grands pieds. Portrait de l'artiste en inadapté. Il peint «avec des gants de boxe», comme on jouerait du violon les mains empêtrées. Ça rend les choses moins évidentes, mais aussi plus ardentes. D'où sa prédilection pour le fulgurant Nussbaum, à la fois expressionniste et allégorique. D'où aussi le cousinage avec Guston, le Bad-painter par excellence: gros godillots à clous, grosses paluches, bonshommes frustes, mais le tout artistiquement assaisonné.

Pourquoi ses tableaux sont-ils importants? D'abord, parce qu'ils sont singuliers. Aussi parce qu'ils sont lumineux, sombres, littéraires, cryptés, ensorcelants, parfois embarrassants. La lumière l'obsède. Celle du soleil, de la lune, des bougies, des étoiles, de l'âtre... C'est en elle que se dévoile chaque scène, comme un texte à déchiffrer ou un monde à arpenter. Il y a des tiroirs, des portes des rideaux: des formes de l'espace, des formes dans l'espace qui tout à la fois encombrent, obstruent, bouchent, cachent mais aussi libèrent le regard. Deux astres font la course dans son ciel: Rimbaud et Van Gogh. Nu, paysage, portrait, nature morte: toutes les questions posées par la peinture ou la poésie... Brasser des mythes, dévorer l'histoire, aimer les corps, dépeindre l'âme: Eric Corne a donc fort à faire et nous beaucoup à voir.

Démesuré et légèrement fou: devant ses toiles, on réfléchit au comment et au pourquoi de l'apparition d'une image, au grand brassage des mythes, au fait que l'art se nourrit de l'art mais pas uniquement.

Ce n'est pas tous les jours qu'on rencontre un héros amoureux, un artiste brillant. Ses dernières toiles sont de nobles combats, avec de beaux gestes comme on peut en voir sur un ring ou dans un stade. Ni chiche ni chiqué. Des tubes de peinture écrasés, des palettes chamarrées, des croix, des corps malmenés, le chien de l'artiste immobile, le peintre debout parfois un peu sonné d'avoir tant donné ou encore son impassible effigie. Et des paysages aux couleurs somptueuses, des horizons lointains, des baraques mystérieuses. Une invitation au voyage, mais en passager clandestin. Bref, du dépaysement comme on en vit rarement. Il faut aller voir sa dernière exposition, sans hésitation et sans repentir. Comme Cravan boxait, comme Rimbaud poétisait, comme Van Gogh peignait.»

Eric Corne
Being Beauteous
14 mars-18 avril 2015
Vernissage le 14 mars 2015
Paris 4e. Galerie Patricia Dorfmann

mercredi 11 mars 2015

GILLES OUAKI : OUVERTURE LE 02 AVRIL DE L'EXPOSITION "ARGENTIK"

La Fondation Cherpantier présente dans ses Galeries : “ArgentiK”, une carte blanche à l’artiste plasticien gilles ouaki pour l’ouverture des Galeries 312 dans le Marais et aux Puces de Saint-Ouen. Fidèle à son inventivité débridée dans le monde de l’art contemporain et désireux de signer sa longue histoire d’art et d’amour avec Kodak, l’artiste a imaginé pour la fondation Cherpantier “ArgentiK” un concept inédit autant qu’hybride. Cette exposition offre une série limitée de 100 pièces uniques, présentées sous la forme d’un livre-objet. Une revisitation du célèbre coffret jaune accompagnée d’un Brownie Hawkeye vintage et américain customisé par l’artiste. Chacun des 100 tirages photos signés est issu de l’œuvre de Gilles Ouaki, notamment Bye-bye Polaroid et I Lock You, qui ont fait sa renommée avec Ben, Soulages, Orlan, Arman, William Klein... « J’avais 11 ans et 6 francs en poche. Je me rendais aux Galeries Lafayette pour acheter le tube “Diana” de Paul Anka et je suis ressorti du grand magasin sans disque ! Je venais de remporter un concours Kodak grâce à une prise de vue originale d’une vitrine de noël. Je m’étais faufilé derrière pour mieux photographier les badauds». Un cliché qui sera le déclencheur d’une vocation et la toute première expression d’un travail de mise en scène funambuliste, une recherche maximale de véracité et une maîtrise des différentes distorsions entre le sujet et son image, sans simulacre, sans paravent, authentique. En 2010, convié aux 10 ans du Designer’s Day, le créateur s’empare déjà de l’appareil de légende en fabriquant “Cheese”, un meuble pop art constitué d’un appareil Kodak Brownie géant qu’il réaménage. Aujourd’hui, avec cette exposition, Gilles Ouaki signe la fin de l’histoire avec l’argentique et rend un dernier hommage au mythique boîtier. L’ensemble est complété d’un livre-objet reprenant l’intégralité des 100 Box de l’exposition “ArgentiK”.

UN POINT DE VUE

Pour arriver à ce stade de notoriété dans l’art contemporain, Gilles Ouaki a eu la force de caractère d’éviter les (im)postures. Il fallait avoir cette capacité de savoir presque s’effacer, d’être en retrait mais aux aguets, photosensible, et de laisser son ego au placard. Une perspective qui a permis alors à l’artiste d’infuser pleinement les concepts issus de son imaginaire, de capturer l’essence même de son sujet, de son cadre. Il ne faut pas s’imposer ou imposer une vérité factice.

Gilles Ouaki est un artiste plasticien, relayeur au sens noble du terme, comme il le décrit lui-même, “pour rendre les œuvres intelligentes”. Il interprète, portraitise, détourne, Gilles Ouaki est subversif.

UNE TRAJECTOIRE

« Gilles Ouaki aime faire entrer les petites histoires dans les grandes. Dans son travail, les objets parlent des hommes. Ce qui s’appelle faire parler les choses. » (Valérie Iniesta, Art Actuel)

Tout débute en 1958 avec ce premier prix d’un concours Kodak auquel il participe comme par hasard. Il y a des destins incroyables, des dons et des vocations. Du haut de ses 11 ans, l’artiste en devenir est simplement au bon endroit, au bon moment.

Il s’oriente rapidement vers le photojournalisme car l’exercice ne supporte aucune tricherie. Nous sommes au début des années 80, le numérique n’existe pas encore. La photographie est brandie comme preuve et c’est vers cette idée de témoignage intangible que tend l’ensemble de son travail de grand reporter, puis d’artiste. Gilles Ouaki travaille au Parisien et à Paris Match. On lui doit par exemple des clichés de la mort de Mesrine ou encore ceux de l’attentat de la rue des Rosiers à Paris, ces derniers lui ayant permis de remporter (en 1982) le Grand Prix de la Ville de Paris ainsi que le Grand Prix Paris Match.

Les sillons usés et désabusés par ses prédécesseurs et même par ses contemporains ne l’intéressent pas. Il préfère inventer ses propres craquelures et creuser son ornière à lui, loin des lieux communs. En ce sens, son travail est toujours surprenant. Unicité de temps mais aussi unicité de ton. Chaque cadre, chaque lumière, chaque atmosphère, chaque œuvre est différente et unique.
La marque Leica ne s’y trompe pas lorsqu’elle demande à l’artiste de signer une édition spéciale de son illustre modèle X1, tirée à 30 exemplaires seulement pour le trentième anniversaire de L’Éclaireur.

UN ARTISTE MULTI-FORME

« Artiste photographe, plasticien conceptuel, ogre anxieux témoin de son époque, Gilles Ouaki dit qu’il n’y a pas d’artiste heureux, refuse les étiquettes, brouille les pistes et patrouille le monde à la recherche de l’image qui justifie son errance artistique autant qu’existentielle. » (Valérie Penven)

Gilles Ouaki n’en oublie pas pour autant son amour de l’art en général. Du pop art à la figuration narrative.
Il se sent guidé, car, comme il le dit si bien lui-même, « les artistes sont les phares qui éclairent le monde ». Sa gourmandise, jamais rassasiée, est telle qu’il est difficile de cataloguer son travail ou même de définir posément sa relation à l’art contemporain.
Ses sources d’inspiration sont aussi diverses qu’il existe de variations humaines, de visions et de respirations.

D’emblée il frappe les esprits en exposant à la FIAC 2000 en compagnie de Combas, un succès immédiat doublé d’une reconnaissance du marché qui le conforte dans sa vision d’un art protéiforme et volontiers subversif.
Et celui que la rédactrice en chef culture de Paris Match, Catherine Schwab, décrit comme « le Jeff Koons français » d’enfoncer le clou et d’enchaîner depuis, avec une belle régularité les performances, séries et vernissages. Sa première exposition est muséale, elle s’ouvre au Wharf, le Centre d’Art Contemporain de Basse-Normandie.

En 2009, il évoque la fin du Polaroid en compagnie de Soulages, Ben, Goude, Villeglé, Erro, Monory, Orlan avec la série d’hybridations bien nommée “Bye-bye Polaroid”. Ce qui fait dire à Isabelle Lefort dans la Tribune : « La rencontre entre Soulages et Gilles Ouaki a viré au génie » . L’année suivante, invité d’honneur à “Paris Photo”, il est désigné comme l’un des dix grands artistes photographes du moment.

Plus récemment, comme un contre-choc de sa série “Guns”, où les armes étaient devenues des objets pop et des sculptures ludiques et ultra-acidulées, il signe “I Lock You”, une opération urbaine et créative par le biais de laquelle il récupère des cadenas accrochés aux grilles du pont des Arts, et ce , afin de les épargner et les revisiter pour les exposer “grandeur nature” au Carrousel du Louvre.

Instigateur de “Street Art”, une nouvelle hybridation et fruit d’une collaboration avec les grands noms du Street Art, de Cope2 à Jef Aérosol en passant par Konny, FenX, Mistic, Thomas le Chat ou Kouka. Gilles Ouaki propose une relecture en couleur de certaines de ses images de meurtres shootées en noir et blanc dans les années 80.


Redrum revisité

Aujourd’hui, pour l’ouverture des 2 galeries, il imagine un coffret livre-objet d’artiste, clin d’œil à l’enfant qu’il n’a jamais totalement cessé d’être, mais aussi hommage à l’histoire de la pellicule argentique. Un objet rare, coloré, fantasque, précieux et inattendu : “ArgentiK”» .

LA FONDATION CHERPANTIER

Le groupe Cherpantier, véritable institution familiale dans le monde de l’immobilier, a pour vocation de rénover, réhabiliter et redonner une âme aux immeubles essentiellement parisiens.
Il compte pas moins d’une centaine d’immeubles à son actif sur lesquels est imprimée la griffe du groupe Cherpantier, gage du savoir-faire familial.
Reconnu comme un partenaire digne de confiance, le groupe Cherpantier a été sollicité à de nombreuses reprises par les plus grands promoteurs nationaux afin de réaliser, en collaboration, des opérations où se mixaient promotion et réhabilitation.

Cédric Cherpantier, président du groupe du même nom, est un amateur éclairé et un grand collectionneur d’art contemporain.

En créant la Fondation Cherpantier, Cédric Cherpantier inaugure deux galeries pour représenter les artistes français et promouvoir la culture auprès d’un large public.

La première dans le Marais,
Gallery 312
314-316 rue Saint-Martin 75003 Paris

La seconde au Marché Dauphine
Gallery 312
Stands 93 - 94 - Marché Dauphine 93400 St Ouen.

Depuis trois ans, la Fondation Cherpantier soutient sous forme de mécénat le travail de l’artiste Gilles Ouaki.