jeudi 12 mai 2016

Toros ou l'histoire d'une vie

Du 13 mai au 30 octobre 2016, le musée international de la chaussure de Romans (Drôme) servira d'écrin à une exposition intitulée Du dessin... à la sculpture. L'histoire de toute une vie, celle du sculpteur Toros et de son cheminement artistique, d'Alep où il est né, à Romans où il a choisi d'habiter.

Plus qu'une rétrospective, il s'agit bien là, en effet, de l'histoire de toute une vie qui n'a rien, du moins à ses débuts, d'un long fleuve tranquille, puisqu'elle commence dans la ville martyre d'Alep, en Syrie, où la famille de Toros, d'origine arménienne, tentera, dignement, de reconstruire sa vie, après avoir été chassée, en 1915, de l'Empire Ottoman.

De ce passé, il ne lui reste plus rien, si ce n'est ce prénom, Toros, dont il signera désormais toutes ses oeuvres, marque indélébile de son combat permanent pour la liberté et contre l'injustice. Un prénom qui n'est pas sans rappeler, il est vrai, le vaillant combattant des arènes mais plus encore chargé de symbole pour qui sait qu'il lui fut donné par son père en souvenir de son propre frère, brûlé vif par les génocidaires de 1915, dans une église où il avait cru trouver refuge avec une centaine d'autres enfants.

Un lourd héritage qu'il a su transcender au travers de ses œuvres, parfois monumentales, qui, à Valence, Saint-Etienne, Aix-en Provence et en bien d'autres endroits, rendent hommage aux victimes des génocides, aux résistants, aux combattants de la liberté... De son histoire, Toros a, en effet, puisé sa force et sa créativité. Devenu dinandier à l'âge de 10 ans, parce que ses parents n'avaient pas les moyens de l'envoyer à l'école, il s'est fait tout seul, devenant d'artisan un véritable artiste tel ce sculpteur, Kotchar, rencontré en Arménie par hasard et dont l'œuvre, la statue de David de Sassoun, héros de l'Arménie, fut à l'origine de sa vocation.

C'est cette histoire qui vous sera contée au fil des cinq salles qui lui sont consacrées pour cette exposition. Mais aussi et surtout, vous découvrirez, à travers photos, croquis et vidéos, comment naissent ses créations, de la plus artisanale des façons ; comment parties d'une étude, plus ou moins poussée, parfois d'un simple coup de crayon, se matérialisent, dans le bronze, le cuivre ou le laiton, des œuvres puissantes et pleines de vie, à l'image de cet homme qui, en dépit des épreuves, n'a jamais baissé les bras, jamais perdu la foi...

Des œuvres épurées aux courbes délicates qui contrastent avec l'ardeur avec laquelle il frappe le métal et qui, souvent, célèbrent la femme dans toute sa sensualité, mystérieuse et envoûtante ; mais qui traduisent aussi, nul ne peut y être insensible, tout cet amour qu'il porte en lui et auquel ne sont certainement pas étrangères les femmes de sa vie : sa muse de toujours, son épouse, Marie, et ses deux filles, Yersa et Gayanné.

Se juxtaposent également des bustes, des fruits à croquer, un étrange bestaire, et, comme en introduction, moment d'émotion, ce petit garçon, en short et maillot de corps, qui baisse la tête, non pas honteux mais déterminé à retourner dans la classe dont il a été chassé parce que ses parents n'ont pas pu payer l'école.

Ce petit garçon, c'est lui, Toros, qui, malgré ses 81 ans, a toujours gardé son cœur d'enfant et n'a jamais grandi, si ce n'est au travers de ses œuvres dont plus d'une quarantaine sont parties, aujourd'hui, au-delà de nos frontières. Comme ce buste de Komitas, installé tout à côté du musée éponyme, à Erevan, en Arménie, et qui témoigne de sa réussite : une douce revanche qu'il s'est accordée, lui que ce pays n'avait pas voulu intégrer dans son école d'art parce qu'il n'avait pas le baccalauréat.

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